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LES AMOUREUX DE CATHERINE.

« Ah ! monsieur Rebstock, soyez le bienvenu… (Page 90.)


taient, les bouteilles gloussaient, le gigot à l’ail remplissait la maison de sa bonne odeur. Et voilà comment Catherine Kœnig menait ses affaires, voilà comment elle recevait son monde ; qu’il s’appelât Andreusse, Jean-Claude ou Nicolas, n’importe, c’étaient toujours des amis, de vieilles connaissances.

On pense bien que Catherine, avec ses dix arpents de vigne, les plus beaux et les mieux cultivés de la côte, sa grande prairie des Trois-Chênes, sa magnifique auberge, ses granges, sa distillerie, sa basse-cour, où chantait le coq au milieu d’un régiment de poules ; on pense bien que Catherine, avec sa bonne mine, ses yeux vifs et doux, et son rire joyeux, ne manquait pas d’amateurs au pays. Mon Dieu ! elle en avait à revendre ; c’était curieux de les voir arriver à la file les dimanches et les jours de fête, sous prétexte de prendre leur petit pain blanc et leur chopine de vin avant d’aller à la messe ; on aurait dit une procession.

Cela commençait par Johann Noblat, le brasseur, un solide gaillard à barbe blonde, qui faisait cinq ou six tours dans la cuisine, les mains sur le dos, en méditant sa déclaration d’âmour, qu’il n’osait jamais faire. Il demandait des nouvelles de la maison, des vendanges, de ceci, de cela, toussait, jetait un coup d’œil de côté sur Catherine, qui répondait d’un air d’indifférence, et, finalement, il entrait dans la salle, se disant à lui-même :

« Ce sera pour un autre jour ; elle n’a pas l’air de bonne humeur ce matin. Dimanche prochain, nous verrons. »