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LA TAVERNE DU JAMBON DE MAYENCE.

« La nuit est magnifique, se dit-elle, il va faire bon marcher à la fraîcheur. » (Page 74.)

grand’mère Dick, penchée sur le petit berceau tout blanc, joignant ses vieilles mains ridées et murmurant : « Cher petit ange, descendu du ciel pour la joie de mes vieux jours, sois béni, sois aimé, sois adoré ! » Il revoyait aussi l’enfant, comme un petit bouton de rose, et s’il avait pu la peindre, il l’aurait peinte jour par jour, à tous les âges, à tous les moments de sa vie ; et ces amours de tous les instants n’en formaient plus qu’un dans son cœur : c’était sa chère Fridoline !

Ensuite, regardant Christian, qu’il savait bon et tendre, il se disait :

« Vont-ils être heureux ! vont-ils s’aimer ! »

Voilà ce qui l’attendrissait.

Puis, dans cette longue suite de souvenirs, l’image de son vieux compagnon Johannes, à la barbe rousse, lui revenait aussi ; il revoyait le capucin promener la petite sur les larges manches de sa robe de bure et la bercer dans ses mains musculeuses, tandis que de longues rides sillonnaient ses joues brunes, et qu’il riait d’une voix cassée dans la joie de son âme.

Et, se rappelant ces choses, il pensait en lui-même : « Je ne puis cependant pas marier Fridoline sans qu’il soit là pour la bénir… Non, je ne le puis pas… ce serait contraire au bon sens… Il faut que Johannes arrive… pourquoi ne vient-il pas ? Est-ce qu’il me croit assez mauvais cœur pour lui tenir rancune ? Est-ce que je pense encore à ses coups de bâton, mot ? Est-ce que le vin blanc n’est pas cause de tout ? S’il revenait, est-ce que je ne serais pas content, et Fridoline, et Grédel, et