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LA TAVERNE DU JAMBON DE MAYENCE.


Il prit la gourde d’une main tremblante et se mit à boire. (Page 60.)


de petites plaques rouges se formèrent à droite et à gauche de son grand nez, sur ses joues et ses tempes ; jamais elle ne s’était trouvée en aussi belle passe. Cependant cette émotion disparut vite ; et, tirant de sa poche profonde sa grande tabatière de carton noir, elle ferma l’œil gauche, aspira une prise lentement, regarda tout autour d’elle les gens qui l’observaient, se disant tout bas : « Voilà Trievel devenue riche d’un seul coup. C’est maintenant le plus beau parti de Bergzabern après mademoiselle Fridoline. » Elle regarda, dis-je, toutes ces bouches béantes, puis elle finit par répondre :

« Puisqu’il faut que je fasse un vœu… eh bien, nous verrons ça plus tard… Je n’ai pas l’habitude de faire des vœux, il pourrait m’arriver comme à la femme des trois boudins et des trois vœux. Elle souhaita d’abord un boudin, et elle l’eut ; ensuite, étant en colère, elle le souhaita au nez de son mari ; ensuite il lui fallut son dernier vœu pour l’ôter de là. Moi, je vais réfléchir. Si je pouvais me souhaiter trente ans de moins, avec un joli garçon pour mari, ce serait bientôt fait ; mais, à mon âge, il faut que je réfléchisse.

— Allons, réfléchis, s’écria Sébaldus en riant. Et maintenant, Christian, tu vas aller chez le watchmann Purrhus, et tu lui diras de trompetter et de publier par toute la ville, au coin de toutes les rues, que Frantz Christian Sébaldus Dick se porte bien, et qu’il invite tous ses amis et connaissances, pour dimanche en huit, à une grande noce, à cette fin de célébrer son