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L’AMI FRITZ.

Nous boirons encore du bon petit vin blanc (Page 35.)


en cœur ; il ne voyait pas cette brillante fleur de jeunesse épanouie sous ses regards ; ce qu’il cherchait, c’était une toute petite vergissmeinnicht, la petite fleur bleue des souvenirs d’amour.

Longtemps il la chercha, de plus en plus inquiet ; enfin il la découvrit au loin, cachée derrière une guirlande de chêne tombant du pilier à droite de la porte. Sûzel, à demi effacée derrière cette guirlande, inclinait la tête sous les grosses feuilles vertes, et regardait timidement, à la fois craintive et désireuse d’être vue.

Elle n’avait que ses beaux cheveux blonds tombant en longues nattes sur ses épaules pour toute parure ; un fichu de soie bleue voilait sa gorge naissante ; un petit corset de velours, à bretelles blanches, dessinait sa taille gracieuse ; et près d’elle se tenait, droite comme un I, la grand’mère Annah, ses cheveux gris fourrés sous le béguin noir, et les bras pendants. Ces gens n’étaient pas venus pour danser, ils étaient venus pour voir, et se tenaient au dernier rang de la foule.

Les joues de Fritz s’animèrent ; il descendit de l’estrade et traversa la hutte au milieu de l’attention générale. Sûzel, le voyant venir, devint toute pâle et dut s’appuyer contre le pilier ; elle n’osait plus le regarder. Il monta quatre marches, écarta la guirlande, et lui prit la main en disant tout bas :

« Sûzel, veux-tu danser avec moi le treielins ? »

Elle alors, levant ses grands yeux bleus