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L’AMI FRITZ.


À trente-six ans amoureux d’une petite fille de dix-sept ! (Page 42.)


sa capote et décrochait son feutre ; voici bientôt dix heures, je vous accompagne chez David, et, aussitôt après, nous reviendrons dîner ; vous dînez avec moi ?

— Oh ! monsieur Kobus, j’ai mes chevaux à l’auberge du Bœuf-Rouge.

— Bah ! bah ! vous dînerez avec moi. Katel, tu nous feras un bon dîné. J’ai du plaisir à vous voir, Christel. »

Ils sortirent.

Tout en marchant, Fritz se disait en lui-même :

« N’est-ce pas étonnant ! Ce matin, je rêvais de Sûzel, et voilà que son père m’apporte des cerises qu’elle a cueillies pour moi ; c’est merveilleux, merveilleux ! »

Et la joie intérieure rayonnait sur sa figure, il reconnaissait en ces choses le doigt de Dieu.

Quelques instants après, ils arrivèrent dans la cour de l’antique synagogue. Le vieux mendiant Frantzoze était là, sa sébile de bois sur les genoux ; Kobus, dans son ravissement, y jeta un florin, et le père Christel pensa qu’il était généreux et bon.

Frantzoze leva sur lui des yeux tout surpris ; mais il ne le regardait pas, il marchait la tête haute et riante, et s’abandonnait au bonheur d’avoir près de lui le père de la petite Sûzel : c’était comme un souffle du Meisenthâl dans ces hautes bâtisses sombres, un vrai rayon du ciel.

Comme pourtant les hommes ont des idées étranges ; ce vieil anabaptiste, qui, deux ou trois mois avant, lui produisait l’effet d’un