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L’AMI FRITZ.

Nous avons bu trop de bière hier soir. (Page 16.)


je me porte mieux, que j’ai les jambes plus dégourdies et meilleur appétit ; cela vient du grand air. Quand je retournerai là-bas, je vais avoir une mine de chanoine, fraîche, rose, joufflue ; on ne verra plus mes yeux, tant j’engraisse, ha ! ha ! ha ! »

Un jour, Sûzel ayant eu l’idée de chercher en ville une poitrine de veau bien grasse, de la farcir de petits oignons hachés et de jaunes d’œufs, et d’ajouter à ce dîner des beignets d’une sorte particulière, saupoudrés de cannelle et de sucre, Fritz trouva cela de si bon goût, qu’ayant appris que Sûzel avait seule préparé ces friandises, il ne put s’empêcher de dire à l’anabaptiste, après le repas :

« Écoutez, Christel, vous avez une enfant extraordinaire pour le bon sens et l’esprit. Où diable Sûzel peut-elle avoir appris tant de choses ? Cela doit être naturel.

— Oui, monsieur Kobus, dit le vieux fermier, c’est naturel : les uns naissent avec des qualités, et les autres n’en ont pas, malheureusement pour eux. Tenez, mon chien Mopsel, par exemple, est très-bon pour aboyer contre les gens ; mais si quelqu’un voulait en faire un chien de chasse, il ne serait plus bon à rien. Notre enfant, monsieur Kobus, est née pour conduire un ménage ; elle sait rouir le chanvre, filer, laver, battre le beurre, presser le fromage et faire la cuisine aussi bien que ma femme. On n’a jamais eu besoin de lui dire : « Sûzel, il faut s’y prendre de telle manière. » C’est venu tout seul, et voilà ce que j’appelle une vraie femme de ménage, dans deux ou