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L’AMI FRITZ.

Ton rire est tellement bête, que ça me tourne sur le cœur. (Page 4.)


là, c’est moi-même qui les ai remplis, et, j’ose dire avec discernement : j’ai toujours eu soin de me transporter moi-même dans la vigne et de traiter avec les vignerons en face de la cuvée. Et, pour les soins de la cave, je ne me suis pas épargné non plus. Aussi ces vins-là, s’ils sont plus jeunes que les autres, ne sont pas d’une qualité inférieure ; ils vieilliront et remplaceront dignement les anciens. C’est ainsi que se maintiennent les bonnes traditions, et qu’il y a toujours, non-seulement du bon, mais du meilleur dans les mêmes familles.

« Oui, si le vieux Nicolas Kobus, le grand-père Frantz-Sépel, et mon propre père Zacharias, pouvaient revenir et goûter ces vins, ils seraient satisfaits de leur petit-fils ; ils reconnaîtraient en lui la même sagesse et les mêmes vertus qu’en eux-mêmes. Malheureusement ils ne peuvent pas revenir, c’est fini, bien fini ! Il faut que je les remplace en tout et pour tout. C’est triste tout de même ! des gens si prudents, de si bons vivants, penser qu’ils ne peuvent seulement plus goûter un verre de leur vin, et se réjouir en louant le Seigneur de ses grâces ! Enfin, c’est comme cela ; le même accident nous arrivera tôt ou tard, et voilà pourquoi nous devons profiter des bonnes choses pendant que nous y sommes ! »

Après ces réflexions mélancoliques, Kobus choisit les vins qu’il voulait boire en ce jour, et cela le remit de bonne humeur.

« Nous commencerons, se dit-il, par des vins de France, que mon digne grand-père Frantz-Sépel estimait plus que tous les autres.