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LE REQUIEM DU CORBEAU.


Au troisième coup, la fenêtre du docteur s’ouvrit. (Page 67.)

Du reste, l’oncle Zacharias ne pouvait souffrir ce Hans ; il traitait les habitants de Bingen d’imbéciles, de s’attacher à un semblable animal ; et cet homme si calme, si doux, perdait toute espèce de mesure, quand par hasard ses yeux rencontraient le corbeau planant devant nos fenêtres.

Or, par une belle soirée d’octobre, l’oncle Zacharias paraissait encore plus joyeux que d’habitude, il n’avait pas vu Hans de toute la journée. Les fenêtres étaient ouvertes, un gai soleil pénétrait dans la chambre ; au loin, l’automne répandait ses belles teintes de rouille, qui se détachent avec tant de splendeur sur le vert sombre des sapins. L’oncle Zacharias, renversé dans son large fauteuil, fumait tranquillement sa pipe, et moi, je le regardais, me demandant ce qui le faisait sourire en lui-même, car sa bonne grosse figure rayonnait d’une satisfaction indicible.

« Cher Tobie, me dit-il en lançant au plafond une longue spirale de fumée, tu ne saurais croire quelle douce quiétude j’éprouve en ce moment. Depuis bien des années, je ne me suis pas senti mieux disposé pour entreprendre une grande œuvre, une œuvre dans le genre de la Création de Haydn. Le ciel semble s’ouvrir devant moi, j’entends les anges et les séraphins entonner leur hymne céleste, je pourrais en noter toutes les voix. Ô la belle composition, Tobie, la belle composition !… Si tu pouvais entendre la basse des douze apôtres, c’est magnifique, magnifique. Le soprano du petit Raphaël perce les nuages, on