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LE CABALISTE HANS WEINLAND.

Au fond de la gorge où te traîne le vieux Gange. (Page 62.)


s’étend un quartier presque solitaire ; les maisons y sont hautes et décrépites, les rues fangeuses, les habitants déguenillés.

Quand il vous arrive d’égarer vos pas dans cette direction, les gens s’arrêtent au coin des rues pour vous observer ; d’autres s’avancent sur le seuil de leurs tristes masures, d’autres penchent la tête à leurs lucarnes. Ils vous regardent d’un air de convoitise, et ces regards vont jusqu’au fond de vos poches.

À l’extrémité de ce quartier, dans la rue Copeau, s’élève une maison étroite, isolée, entre d’antiques murailles de clôture, par-dessus lesquelles s’étendent les rameaux noirs de quelques ormes centenaires.

Au pied de cette maison s’ouvre une porte basse, voûtée ; au-dessus de la porte brille la nuit une lanterne, suspendue à une tige de fer ; au-dessus de la lanterne, trois fenêtres chassieuses miroitent dans l’ombre ; plus haut, trois autres ; ainsi de suite jusqu’au sixième.

C’est là, chez la dame Genti, veuve du sieur Genti, ex-brigadier de la garde royale, que je fis transporter ma malle et mes livres, sur la recommandation expresse de M. le doyen Van den Bosch, qui se souvenait d’avoir habité le susdit hôtel du temps de l’empire.

Je frémis encore en songeant aux tristes jours que je passai dans cette abominable demeure, assis en hiver près de ma petite cheminée, qui donnait plus de fumée que de chaleur, abattu, malade, obsédé par la dame Genti, qui m’exploitait avec une rapacité vraiment incroyable.

Je me souviendrai toujours qu’après six mois