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LE TRÉSOR DU VIEUX SEIGNEUR.

— Voici le duc, dit-il d’un accent solennel… (Page 17.)


voyant rien dans le caveau, me regarda d’un œil hagard ; il voulut parler, aucun son ne parvint à ses lèvres. Alors je lui montrai l’anneau scellé dans la dalle du milieu ; il comprit aussitôt, et, posant la lampe à terre, il saisit l’anneau à deux mains avec un rugissement sauvage. La sueur coulait lentement de nos tempes, cependant je restai maître de moi. Voyant l’inutilité des efforts du vieillard :

« Laissez-moi faire, Zulpick, lui dis-je, vous n’êtes pas de force. »

« Il essaya de répondre ; en ce moment, je remarquai qu’il avait les lèvres bleues.

« — Asseyez-vous, reprenez haleine, je ne vous volerai pas votre part, soyez tranquille. »

« Mais il ne voulut pas s’asseoir et s’accroupit près de la dalle. Et tandis que je la levais, en introduisant mon pic dans les interstices de la pierre, il s’efforçait de la retenir avec ses ongles.

« Prenez donc garde, m’écriai-je, vous allez vous faire écraser les mains ! »

« Peine perdue ; il n’entendait pas ; la fureur de l’or le possédait, et dans le moment même où, la dalle se levant, il me fallait employer toutes mes forces pour la retenir, il se glissait déjà dessous, et je l’entendais pousser des cris inhumains entrecoupés de hoquets bizarres.

« La dalle levée, je restai quelques secondes comme ébloui : le scintillement des pierreries aux reflets de la lampe me donnait le vertige. Dans ce moment, rapide comme un éclair, tous mes souvenirs effacés reparurent. Je me sou-