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LE TRÉSOR DU.VIEUX SEIGNEUR.

M. Furbach vit au-dessous les chaumières innombrables… (Page 5.)

« Or, depuis environ vingt minutes, j’allais ainsi en tâtonnant dans cette grande vrille tortueuse, risquant de me précipiter à chaque pas, quand, devant moi, dans les ténèbres, s’avança lentement une lanterne ; elle ruisselait de pluie et jetait des éclairs au vieux mur.

« — Hé ! qui va là ? fit une voix cassée.

« — Un voyageur qui monte au Schlossgarten, répondis-je.

« — Ah ! bon ; nous allons voir. »

« Et la lumière, vacillant, trébuchant, s’approcha.

« Au-dessus s’avançait une face blafarde, à nez camard, aux joues creuses et plombées, coiffée d’un vieux bonnet de peau de martre, dont il ne restait plus que le cuir. Un bras long, décharné, leva la lanterne jusqu’à la hauteur de mon feutre ; l’homme et moi nous nous regardâmes quelques secondes en silence. Il avait les yeux gris clair comme un chat, les sourcils et la barbe d’un blanc filasse ; il portait une casaque en peau de chèvre et des pantalons de toile grise : c’était le vieux cordier Zulpick, un être bizarre, vivant seul dans sa cave, au pied de la tour de Gontran l'Avare. Après avoir tressé ses cordes toute la journée dans la petite allée des Houx, derrière l’église Saint-Étienne, sans jamais répondre autrement aux passants qui lui souhaitaient le bonjour que par une inclination de tête silencieuse, il rentrait dans sa cave en nasillant des airs du temps de Barberousse, et préparait son souper lui-même ; puis, les deux coudes sur le bord de sa lucarne, il regardait le Rhin, l’Alsace,