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MAITRE DANIEL ROCK.

La séanee du conseil municipal. (Page 127.}

siècles des siècles, surtout quand elles verront marcher le chemin de fer. »

— Mais, interrompit brusquement maître Bénédum, où doit-il passer ce chemin de fer ?… Est-ce qu’il passera dans l’air ? Est-ce qu’il passera sous terre ? Est-ce qu’il passera dans nos champs ?… Moi, d’abord, s’il doit passer dans mes champs, je dis : « Halte ! » Je mange de la viande quand je veux, et je ne vois pas pourquoi je sacrifierais mes champs pour que les autres en mangent aussi. »

Alors s’éleva subitement un grand tumulte. Tous les membres du conseil s’écrièrent :

« Bénédum a raison ! nous ne souffrirons pas qu’on traverse nos champs.

— Hé ! criait l’aubergiste Kalb, pourpre de colère, est-ce que j’ai besoin que Hans, mon voisin, ou Christophe mange du petit salé ? Pourvu que j’en aie, moi, tous les dimanches, est-ce que les autres me regardent ?… Est-ce qu’on va nous dépouiller pour le bien de la commune ? »

Le petit tisserand Wéberlé criait plus haut que tout le monde… c’était sa manière… il se donnait ainsi de l’importance, car il n’avait pas deux acres de terre dans toute la vallée, et ne possédait qu’un mauvais champ sur la côte.

« Messieurs les conseillers… messieurs les conseillers… je vous en prie, s’écria le maire, laissez-moi finir… vous ferez vos observations ensuite. On ne veut pas voler vos champs… au contraire… on vous les payera double, triple, quadruple… Enfin, c’est vous-mêmes,