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UNE NUIT DANS LES BOIS.

Elle traversa rapidement la prairie humide. (Page 81.)

« Soyez la bienvenue, Fuldrade. Irmengarde dort toujours… Quel temps !... l’orage ne vat-il pas se dissiper ?

— Oui, le vent l’emporte vers la plaine ; la pluie finira avant le jour. »

Puis, sans regarder maître Bernard, elle alla s’asseoir près de la vieille, qui parut se ranimer :

« Fuldrade, dit-elle, la grande tour est encore debout ?

— Oui ! »

La vieille courba la tête, et ses lèvres s’agitèrent.

Après les derniers coups de foudre, une pluie battante s’était mise à tomber. On n’entendait plus dans la vallée ténébreuse que ce clapotement immense, continu, de l’averse ; le roulement des flots débordés dans le ravin ; puis d’instants en instants, quand la pluie semblait se ralentir, de nouvelles ondées, plus rapides, plus impétueuses.

Au fond de la hutte, personne ne disait mot ; on écoutait… on se sentait heureux d’avoir un abri.

Dans l’intervalle de deux averses, le tintement sonore que l’oncle Bernard avait entendu dans la montagne, au moment de son réveil, passa lentement sous la petite fenêtre de la hutte, et presque aussitôt une grosse tête cornue, plaquée de taches noires et blanches, la tête d’une superbe génisse, s’avança sous la porte.

« Hé ! c’est Waldine, s’écria Christian en riant ; elle vous cherche, Fuldrade ! »