Page:Erckmann-Chatrian - Contes et romans populaires, 1867.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
LE COMBAT D’OURS.


Je me rappellerai mille ans la figure du capucin Johannes.

offerts en hoplocauste pour la circonstance, débouchèrent dans la cour, hurlant, jappant, aboyant. Puis, d’un commun accord, ils se retirèrent dans un coin fort éloigné de l’ours, et de là continuèrent à se fâcher, à s’élancer, à reculer, à faire de l’opposition.

« Oh ! les lâches !… Oh ! la canaille !… criaient les gens courageux de la galerie, oh ! les misérables !… »

Eux levaient le nez et semblaient répondre en jappant :

« Allez-y donc vous-mêmes ! »

L’ours cependant se tenait sur ses gardes, quand, à la stupeur générale, Heinrich revint avec son danois.

J’ai su depuis qu’il avait parié cinquante florins contre le garde-chasse Joseph Kilian, de le faire reprendre. Il s’avança donc le caressant de la main, puis lui montrant l’ours :

« Courage, Blitz ! » s’écria-t-il.

Et le noble animal, malgré ses blessures, recommença l’attaque.

Alors tous les poltrons, toute la canaille des roquets, des caniches, des tournebroches accourut à la file, et le pauvre vieux Baptiste en fut couvert ; il roulait dessus, hurlant, grognant, écrasant l’un, estropiant l’autre, se débattant avec fureur.

Le brave danois se montrait encore le plus intrépide ; il avait pris l’ours à la tignasse et roulait avec lui les pattes en l’air, tandis que d’autres lui mordaient les jarrets, d’autres ses pauvres oreilles saignantes. Cela n’en finissait plus.