Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
L’AMI FRITZ.

puis la Saint-Michel à Sûzel pour son garçon. Mais avant de rien dire et de rien faire, il est venu lui-même, comme pour acheter notre petit bœuf. Il a passé la journée de la Saint-Jean chez nous ; il a bien regardé Sûzel, il a vu qu’elle n’avait pas de défauts, qu’elle n’était ni bossue, ni boiteuse, ni contrefaite d’aucune manière ; qu’elle s’entendait à toute sorte d’ouvrages, et qu’elle aimait le travail.

« Alors il a dit à Christel de venir à la fête de Bischem, et Christel a vu hier le garçon ; il s’appelle Jacob, il est grand et bien bâti, laborieux ; c’est tout ce que nous pouvons souhaiter de mieux pour Sûzel. Pelsly a donc demandé hier Sûzel en mariage pour son fils. »

Depuis quelques instants Fritz n’entendait plus : ses joies, ses espérances, ses rêves d’amour, tout s’envolait ; la tête lui tournait. Il était comme une chandelle des prés, dont un coup de vent disperse le duvet dans les airs, et qui reste seule, nue, désolée, avec son pauvre lumignon.

La mère Orchel, qui ne se doutait de rien, tira le coin de son mouchoir de sa poche, et baissant la tête, se moucha ; puis elle reprit :

« Nous avons causé de cela toute la nuit, Christel et moi. C’est un beau mariage pour Sûzel, et Christel a dit : « Tout est bien ; seulement, M. Ko-