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L’AMI FRITZ.

les chevaux bondissaient, la queue flottante, le clic-clac du fouet s’entendait au loin sur la campagne ; les peupliers, les champs, les prés, les buissons, tout courait le long de la route.

Fritz, la face épanouie et les yeux au ciel, rêvait à Sûzel. Il la voyait d’avance, et, rien qu’à cette pensée, ses yeux se remplissaient de larmes.

« Va-t-elle être étonnée de me voir ! pensait-il. Se doute-t-elle de quelque chose ? Non, mais bientôt, bientôt elle saura tout… Il faut que tout se sache ! »

Le gros Hâan fumait gravement, et Schoultz avait posé sa casquette derrière lui, dans les plis du manteau, pour écarter ses longs cheveux grisonnants, où passait la brise.

« Moi, disait Hâan, voilà comment je comprends les voyages ! Ne me parlez pas de ces vieilles pataches, de ces vieux paniers à salade qui vous éreintent, j’en ai par-dessus le dos ; mais aller ainsi, c’est autre chose. Tu le croiras si tu veux, Kobus, il ne me faudrait pas quinze jours pour m’habituer à ce genre de voitures.

— Ha ! ha ! ha ! criait Schoultz, je le crois bien, tu n’es pas difficile. »

Fritz rêvait.

« Pour combien de temps en avons-nous ? demandait-il à Zimmer.