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L’AMI FRITZ.

visés et combattus depuis ces deux mille ans, combien de sectes et de religions vous avez formées ! Nous, nous sommes toujours les mêmes depuis Moïse, nous sommes toujours les fils de l’Éternel, vous êtes les fils du temps et de l’orgueil ; avec le moindre intérêt on vous fait changer d’opinion, et nous, pauvres misérables, tout l’univers réuni n’a pu nous faire abandonner une seule de nos lois.

— Ces paroles montrent bien l’orgueil de ta race, dit Fritz ; jusqu’à présent, je te croyais un homme modeste en ses pensées, mais je vois maintenant que tu respires l’orgueil dans le fond de ton âme.

— Et pourquoi serais-je modeste ? s’écria David en nasillant. Si l’Éternel nous a choisis, n’est-ce point parce que nous valons mieux que vous ?

— Tiens, tais-toi, fit Kobus en riant, cette vanité m’effraye ; je serais capable de me fâcher.

— Fâche-toi donc à ton aise, dit le vieux rebbe, il ne faut pas te gêner.

— Non, j’aime mieux t’inviter à prendre le café chez moi, vers une heure ; nous causerons, nous rirons, et [ensuite nous irons goûter la bière de mars ; cela te convient-il ?

— Soit, fit David, j’y consens, le chardon gagne toujours à fréquenter la rose. »