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L’AMI FRITZ.

« Regarde, voilà l’argent des armées du roi ! En faut-il de ce gueux d’argent pour payer les armées de Sa Majesté, ses conseillers, et tout ce qui s’ensuit, ha ! ha ! ha ! Il faut que la terre sue de l’or et les gens aussi. Quand donc diminuera-t-on les gros bonnets, pour soulager le pauvre monde ? Ça ne m’a pas l’air d’être de sitôt, Kobus, car les gros bonnets sont ceux que Sa Majesté consulterait d’abord sur l’affaire. »

Alors il se prenait le ventre à deux mains pour rire à son aise, et s’écriait :

« Quelle farce ! quelle farce ! Mais tout cela ne nous regarde pas, je suis en règle. Que prends-tu ?

— Rien, Hâan, je n’ai envie de rien.

— Bah ! cassons une croûte pendant qu’on attellera le cheval ; un verre de vin vous fait toujours voir les choses en beau. Quand on a des idées mélancoliques, Fritz, il faut changer les verres de ses lunettes, et regarder l’univers par le fond d’une bouteille de gleiszeller ou d’umstein. »

Il sortait pour faire atteler le cheval et solder le compte de l’auberge ; puis il venait prendre un verre avec Kobus ; et, tout étant terminé, les sacs rangés dans la caisse du char à bancs garnie de tôle, il claquait du fouet, et se mettait en route pour un autre village