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L’AMI FRITZ.

à l’autre de s’attendre. — Toujours, toujours cette vieille histoire de l’amour, sous mille et mille formes différentes ; on aurait dit que le diable lui-même s’en mêlait.

C’était justement cette saison du printemps où les cœurs s’éveillent, où tout renaît, où la vie s’embellit, où tout nous invite au bonheur, où le ciel fait des promesses innombrables à ceux qui s’aiment ! Partout Kobus rencontrait quelque spectacle de ce genre, pour lui rappeler Sûzel, et chaque fois il rougissait, il rêvait, il se grattait l’oreille et soupirait. Il se disait en lui-même : « Que les gens sont bêtes de se marier ! Plus on voyage et plus on reconnaît que les trois quarts des hommes ont perdu la tête, et que dans chaque ville, cinq ou six vieux garçons ont seuls conservé le sens commun. Oui, c’est positif… la sagesse n’est pas à la portée de tout le monde, on doit se féliciter beaucoup d’être du petit nombre des élus. »

Arrivaient-ils dans un village, tandis que Hâan s’occupait de sa perception, qu’il recevait l’argent du roi et délivrait des quittances, l’ami Fritz s’ennuyait ; ses rêveries touchant la petite Sûzel augmentaient, et finalement, pour se distraire, il sortait de l’auberge et descendait la grande rue, regardant à droite et à gauche les vieilles maisons avec leurs poutrelles sculptées, leurs escaliers