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L’AMI FRITZ.

— Amen ! » s’écria Fritz.

Et tous deux se mirent à rire de bon cœur.

Cependant Kobus voulait faire enrager le vieux rebbe. Tout à coup, il lui dit :

« Et les femmes, David, les femmes ? Est-ce que tu ne m’en as pas trouvé une ? la vingt-quatrième ! Tu dois être pressé de gagner ma vigne du Sonneberg. Je serais curieux de la connaître, la vingt-quatrième. »

Avant de répondre, David Sichel prit un air grave :

« Kobus, dit-il, je me rappelle une vieille histoire, dont chacun peut faire son profit. Avant d’être des ânes, disait cette histoire, les ânes étaient des chevaux ; ils avaient le jarret solide, la tête petite, les oreilles courtes et du crin à la queue, au lieu d’une touffe de poils. Or, il advint qu’un de ces chevaux, le grand-grand-père de tous les ânes, se trouvant un jour dans l’herbe jusqu’au ventre, se dit à lui-même : « Cette herbe est trop grossière pour moi ; ce qu’il me faut, c’est de la fine fleur, tellement délicate qu’aucun autre cheval n’en ait encore goûté de pareille. » Il sortit de ce pâturage, à la recherche de sa fine fleur. Plus loin, il trouva des herbes plus grossières que celles qu’il venait de quitter ; il s’en indigna ; Plus loin, au bord d’un marais, il trouva des flèches d’eau et marcha dessus. Puis il fit le tour du marais,