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Histoire d’un paysan.

Au fond une maison, séparée d’un chemin par une barrière. Au premier plan un lavoir à deux bassins. À côté du bassin et devant la barrière, Michel et Marguerite sont assis sur un muret.
« Comme tout est tranquille, Michel ! » (Page 81.)

plie de tendresse et de courage ; et depuis ce jour j’emportais chaque soir chez nous un volume de l’Encyclopédie, que je lisais article par article, jusqu’à une et deux heures du matin. La mère me reprochait aigrement une si grande dépense d’huile, je la laissais crier ; et, quand nous étions seuls, le père me disait :

« Instruis-toi, mon enfant, tâche de devenir un homme, car celui qui ne sait rien est trop misérable ; il travaille toujours pour les autres. C’est bien !… N’écoute pas ta mère. »

Et je ne l’écoutais pas non plus, sachant qu’elle serait la première à profiter de ce que j’aurais appris.

Dans ce même temps M. le curé Christophe et quantité de gens à Lutzelbourg étaient malades. Le desséchement des marais de la Stein-

bach

avait répandu des fièvres dans toute la vallée ; on ne voyait que des malheureux traîner la jambe et claquer des dents.

Maître Jean et moi, nous allions voir le curé tous les dimanches. Cet homme si fort n’avait plus que la peau et les os, et nous ne pensions jamais qu’il pourrait en revenir.

Heureusement on appela le vieux Freydinger, de Diemeringen, qui connaissait le vrai remède contre les fièvres de marais : — la semence de persil bouillie dans de l’eau ; — par ce moyen, il sauva la moitié du village, et M. le curé Christophe finit aussi par se remettre tout doucement.

Durant le mois de mai, je me souviens qu’on ne parlait au pays que de bandes de brigands qui ravageaient Paris. Tous les Baraquins et