« Prenez garde, vous n’avez pas le droit d’arrêter cet homme. » (Page 78.)
Et bien plus tard, après dix heures, comme les uns et les autres partaient, et que maître Jean refermait sa porte en criant : « Bonsoir, les amis, bonsoir. Ah ! la belle journée !… » et que les gens s’en allaient par trois, par quatre, à droite et à gauche, Marguerite et moi, les derniers, nous sortîmes de la cour en repoussant le treillis, et nous remontâmes lentement la rue du village.
Nous étions tout pensifs en regardant cette belle nuit blanche, les arbres allongeant leurs ombres dans le chemin, et les étoiles innombrables au dessus. Le grand silence revenait, pas une feuille ne remuait dans l’air. Au loin, les portes et les volets se refermaient. Quelques vieilles se souhaitaient le bonsoir ; et devant la maison de Chauvel, sous la haie de leur petit
verger en pente, la source, sortant de la côte par son vieux tuyau, bruissait dans la petite auge presque à ras de terre.
Je vois l’eau qui coule par-dessus l’auge ; le cresson de fontaine et les glaïeuls qui pendent autour et qui couvrent le vieux tuyau pourri ; l’ombre d’un grand pommier, au coin de la maison ; et dans l’auge, la lune qui tremble comme au fond d’un miroir. Tout se tait ! Marguerite est là qui regarde un instant et qui dit :
« Comme tout est tranquille, Michel ! »
Et puis elle se penche, sa petite main sur le tuyau, la bouche au dessous, ses beaux cheveux noirs tombant le long de ses joues et sur son joli cou brun : elle boit. Moi, je la regarde dans le ravissement. Tout à coup elle se re-