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Histoire d’un paysan.

Intérieur. Sur un banc le père Bastien est assis, la bouche ouverte et la main droite levée. Un chapeau est posé contre le pied du banc. À gauche, à côté du père Bastien, Mathusalem, cape, chapeau avec plume et grande barbe, joue de la vielle. En arrière plan sept autres personnages.
Il chanta l’air des Paysans. (Page 76.)

Mais à peine étaient-ils au dehors, que les coups de sifflets et les éclats de rire s’élevèrent d’un bout des Baraques à l’autre. Cochart, encore tout défait, vida sa cruche d’un trait, et Marguerite lui dit :

« Dépêchez-vous de porter votre contrebande au bois, dépêchez-vous ! »

Ah ! qu’elle paraissait heureuse, et ce pauvre Cochart, qu’il était content ! Je sus sûr qu’il aurait voulu la remercier, mais l’épouvante le tenait encore ; il partit en remontant la rue, sans dire bonjour ni bonsoir.

Tout le monde criait et chantait victoire dans la cour. Poulet et ses deux sergents, qui traversaient alors les champs, devaient nous entendre au loin, jusque dans la petite allée du

cimetière, près de la ville ; ils devaient être bien ennuyés d’avoir manqué leur coup, les gueux !

Maître Jean fit apporter du cidre, et longtemps autour de la table on parla de ce qui venait de se passer. Chacun voulait avoir dit son mot, ceux qui n’avaient pas soufflé, comme les autres, mais tous reconnaissaient le courage et le bon sens de Marguerite.

Maître Jean disait :

« C’est l’esprit du vieux qui se trouve en elle. Il va joliment rire, en apprenant la manière dont elle a parlé devant les fiscaux, et comme elle les a forcés de relâcher Cochart ; il se fera du bon sang.

Moi, J’écoutais en silence, près de Marguerite ; j’étais le plus heureux garçon du pays !