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Histoire d’un paysan.

Chauvel et Marguerite se tiennent devant le grand soufflet de la forge. Chauvel lève le poing.
« C’est de la malhonnêteté, c’est de la bassesse. (Page 45.)

Alors nous rentrâmes dans la forge ; tout cela nous avait rendus pensifs. Nous travaillâmes jusqu’à sept heures, et Nicole vint nous appeler pour souper.

La réunion devait avoir lieu le dimanche suivant. Chauvel et sa fille étaient en route depuis une quinzaine de jours ; jamais ils n’avaient vendu plus de leurs petits livres ; maître Jean espérait pourtant les trouver à la grande réunion de la mairie.

Enfin, ce soir-là, rien de nouveau ne se passa ; la journée était bien assez pleine !

XI

Comme je descendais, le dimanche suivant,

la vieille rue des Baraques avec mon père, entre six et sept heures du matin, le soleil se levait tout rouge au-dessus des bois de la Bonne-Fontaine. C’était le premier beau jour de l’année ; les toits de chaume et les petites cheminées en briques noires, où se dévidait la fumée dans l’air, ressemblaient à de l’or, Les petites flaques d’eau, le long des chemins, brillaient à perte de vue ; les nuages tout blancs s’étendaient dans le ciel ; et l’on entendait au loin, bien loin, les clarinettes des villages qui se mettaient en route, les tambours qui battaient le rappel en ville, et les premiers tintements des cloches annonçant la messe du Saint-Esprit, avant les élections.

Mon père, déjà vieux, hâlé, chétif, la barbe grise, le cou nu, marchait près de moi, son