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Histoire d’un paysan.

À droite, le père Chauvel, un grand et lourd panier d’osier sur le dos, monte sur le chemin. À gauche, un peu derrière, sa jeune fille Marguerite le suit avec un panier proportionné à sa taille sur le dos.
Cette contrebande-là, c’était un cas de galères. (Page 13.)

savoir pourquoi. N’êtes-vous pas honteux de rire et de faire les malins, quand je parle sérieusement ?… »

Mais ils riaient plus fort, et le capucin, voyant alors Chauvel, s’écria :

« Ah ! ah ! c’est de la semence de contrebande ; je m’en doutais !… »

C’était vrai, Chauvel nous avait apporté ces pelures du Palatinat, où beaucoup de gens en plantaient déjà depuis quelques années ; il nous en avait dit le plus grand bien.

« Cela vient d’un hérétique ! criait le père Bénédic, comment voulez-vous que des chrétiens en sèment et que le Seigneur y répande ses bénédictions ?

— Vous serez bien content de vous mettre de temps en temps une de mes racines sous le

nez, quand elles seront venues, lui cria maître Jean en colère.

— Quand elles seront venues ! dit le capucin, les mains jointes d’un air de pitié, quand elles seront venues !… Hélas ! croyez-moi, vous n’avez pas trop de terres pour vos choux, vos navels et vos raves… Laissez ces pelures, elles ne donneront rien, rien !… C’est moi, pater Bénédic, qui vous le dis.

— Vous dites bien d’autres choses auxquelles je ne crois pas, » lui répondit maître Jean, en remettant le sac dans son armoire.

Mais ensuite il se reprit, et fit signe à sa femme de donner une bonne tranche de pain au capucin ; des gueux pareils entraient partout, ils pouvaient vous décrier et vous faire le plus grand tort.

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