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Histoire d’un paysan.

Que de fois je l’ai relue… partout. (Page 234.)
Que de fois je l’ai relue… partout. (Page 234.)

mais en regardant le mari de Lisbeth, je vis que tout ce que je pourrais lui dire sur ce chapitre, ou rien, ce serait la même chose : ils s’entendaient trop bien ensemble. C’est pourquoi je me tus ; et comme ils prenaient une petite rue qui menait sur le quai, en se pressant comme des voleurs, je continuai mon chemin du côté de la place, pendant que Lisbeth me criait :

« Viens nous voir à la caserne du 3e bataillon des fédérés de Paris. »

Qu’on se représente tout ce que je pensais, surtout en arrivant sur la place et voyant le général au milieu de ses officiers, dans une colère terrible. Le régiment de Bretagne venait d’arrêter par ses ordres un capitaine et deux sergents de volontaires, avec une douzaine d’hommes.

Ils étaient là dans le carré, les épaulettes arrachées, les habits déchirés, enfin dégradés ; et dans un coin de la place, près de l’église, un conseil de guerre, formé de leur propre bataillon, délibérait pendant que le général criait et s’indignait.

Au bout de dix minutes le conseil vint rendre la sentence. Un fort piquet entoura les pillards, et tous ensemble partirent du côté des remparts. Nous les regardions s’en aller, et tout le monde frémissait ; ils venaient d’être condamnés à mort ! Quelques minutes après nous entendîmes la décharge.

Le général alors dit que l’honneur de l’armée était sauf. Les régiments et les bataillons rentrèrent dans leurs casernes et le pillage fut arrêté.

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