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Histoire d’un paysan.

« Vive la nation ! » (Page 297.)
« Vive la nation ! » (Page 297.)

— Hé ! lui cria maitre Jean, nous avons donc la guerre, cette fois, et malgré nous !

— Oui, dit-il brusquement. Je n’en voulais pas ; mais nous la ferons bien, puisque les autres la veulent. Arrivez. »

Et nous allâmes au club, en face. Un grand bourdonnement remplissait la vieille bâtisse ; tous les coins dans l’ombre fourmillaient de monde. Chauvel monta dans l’étal et, sans s’asseoir, d’une voix frémissante et claire qu’on entendait jusque sur la petite place, il se mit à parler, et nous dit qu’il avait voulu la paix, le plus grand bien des hommes après la liberté ; mais que, à cette heure, la guerre étant déclarée, celui qui voudrait autre chose que la victoire de son pays, qui ne sacrifierait pas sa fortune et son sang pour défendre l’indépen-

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de la nation, devrait être regardé comme le plus grand des lâches et le dernier des misérables.

Il nous dit que ce ne serait pas une guerre ordinaire ; que cette guerre signifiait la liberté de l’homme ou son esclavage, l’injustice éternelle, ou le droit pour chacun, la grandeur de la France ou son abaissement. Il nous dit de ne pas croire que tout finirait en un jour mais de recueillir nos forces et notre résolution pour des années ; que les despotes allaient jeter sur nous tous leurs pauvres soldats élevés dans l’ignorance et le respect des priviléges ; qu’au lieu de s’embrasser, il faudrait verser des torrents de sang et combattre jusqu’à la mort.

« Mais, dit-il, celui qui défend son droit par
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