Page:Erckmann–Chatrian — Histoire d’un paysan.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
Histoire d’un paysan.

« En avant !… ça ira !… ça ira !… » (Page 198.)
« En avant !… ça ira !… ça ira !… » (Page 198.)

puis si longtemps avaient souffert des dépenses de la cour, s’en donnaient à leur contentement et ne trouvaient rien trop fort.

Le grand Létumier lui-même, à la fin, fut entraîné par cette danse enragée, jusqu’à vouloir suivre le cousin, et puis maître Jean, et puis l’ancien président Raphaël.

Comme pourtant les choses changent en ce monde ! Cette auberge des Trois-Pigeons, où les officiers de Rouergue, de Schœnau, de La Fère, tous d’anciens nobles, des comtes, des ducs, des marquis, étaient venus danser avec les dames de la ville, noblement, gravement, en se penchant et s’enlaçant comme des guirlandes des fleurs, avec leurs petits violons, leur vin qui rafraîchissait dans la source, et les pâtés dans des paniers sur le dos d’un vieux

soldat, cette auberge maintenant voyait une danse nouvelle, la danse des patriotes. Ce sont ces nobles qui auraient ouvert les yeux et les oreilles de voir cette danse où l’on sautait, où l’on se démenait comme des possédés de Saint-Gui, où l’on se moquait de tous les vieux menuets ensemble ; et d’entendre cette chanson qui continuait toujours :

Madame Veto a fait ceci !
Madame Veto a fait cela !

Non, jamais on n’a vu de scandale pareil. Les femmes qui criaient dehors avaient bien raison ; mais ça n’empêchait pas les patriotes de rire comme des fous.

Chauvel, lui, ne dansait pas. Assis au bout de la table, il regardait en clignant de l’œil,