Page:Erckmann–Chatrian — Histoire d’un paysan.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
Histoire d’un paysan.

C’est dans mon grenier que je lisais le soir. (Page 180.)
C’est dans mon grenier que je lisais le soir. (Page 180.)

Et celui qui tenait les rênes me répondit en tournant la tête :

« Le diable est déchaîné ! »

Il riait, ayant trop bu ; mais une femme me cria toute désolée :

« Le roi s’est sauvé ! »

Quelques instants après, plus de cinquante personnes qui revenaient du marché de la ville, et s’en retournaient en courant dans leurs villages pour annoncer la grande nouvelle, répétèrent la même chose. Trois on quatre, qui s’arrêtèrent à l’auberge, dirent encore que la reine et le dauphin étaient avec le roi.

C’est alors que j’eus ma première colère contre cet homme ; parce que, malgré tout, j’avais eu confiance dans son serment, à cause

de sa grande piété. Simon Bernerotte en fut bien étonné, car je frémissais des pieds à la tête, et je lançai mon marteau contre le mur, comme un boulet, en criant :

« Ah ! le lâche, il nous a trompés ! »

Mais ensuite le calme me revint ; et comme un grand nombre d’hommes et de femmes se trouvaient devant les Trois-Pigeons à se disputer sur cela, je leur criai que si le roi s’en allait, c’était pour rejoindre nos ennemis à Coblentz, et que les Allemands n’attendaient que lui pour nous envahir ; que Guillaume et Léopold n’avaient pas osé nous attaquer avant son arrivée, de peur d’un accident aux Tuileries, mais qu’à cette heure ils n’allaient plus se gêner.

Si Maître Jean avait été aux Baraques, il aurait bien sûr fait battre le rappel ; mais lui,