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Histoire d’un paysan.

« Mauvais cœur ! tu n’as pas une parole pour ton enfant. » (Page 164.)
« Mauvais cœur ! tu n’as pas une parole pour ton enfant. » (Page 164.)

phe, qui jusqu’alors avait été du même avis que nous sur les moines fainéants. Comme le bruit courait que pas un curé du pays ne lèverait la main, nous avions du doute sur ce qu’il ferait ; mais cet homme de grand bon sens et de bon cœur voyait les choses simplement, son devoir ne l’embarrassait jamais ; et le jeudi soir, 3 janvier 1791, pendant que nous étions en train de forger, et qu’il tombait beaucoup de neige, tout à coup M. le curé Christophe, avec son grand parapluie, son tricorne et sa vieille soutane, se pencha dans notre petite porte, en s’écriant.

« Hé ! bonjour, Jean. Quel temps de neige ! Si cela continue, nous en aurons deux pieds demain.

— Hé ! c’est Christophe, dit maître Jean en

déposant le marteau. Entre donc à l’auberge.

— Non, la nuit arrive ! Je viens de faire ma déclaration eu ville, et je n’ai pas voulu passer, sans te prévenir que le serment sera pour dimanche, après la messe. Si vous pouvez venir, Michel et toi, ça me fera plaisir.

— Alors, tu prêtes serment ?

— Oui, dimanche prochain. Mais la vieille Steffen est là qui m’attend ; nous recauserons de ça. »

Maître Jean et lui sortirent alors, et je me retournai du côté de Valentin, dont la figure s’était allongée d’un coup, et qui rêvait les yeux tout ronds, et la bouche ouverte, comme un être abasourdi. Moi j’étais content : je regardais tout réjoui monsieur le curé, la vieille Steffen et maître Jean dehors, en train de cau-