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Histoire d’un paysan.

Chauvel en costume, au centre de la pièce, debout entre une chaise et une table, lève la main gauche, index tendu. Sur la table un journal, une plume et un encrier. Au fond une cheminée avec sept livres posés dessus..
« Soyez tranquilles, mes amis, les hommes parleront longtemps de 1789. » (Page 109.)

coup d’État, comme on dit, pour nous forcer de voter l’argent, et puis nous renvoyer chez nous.

Le curé Jacques disait que ce serait, en quelque sorte, nous demander la bourse ou la vie, et que le roi n’était pas capable, malgré sa complaisance pour la reine et le comte d’Artois, de faire un trait pareil ; qu’il n’y consentirait jamais. Je pensais comme lui. Mais quand à savoir dans quel but allait avoir heu la séance royale, je n’étais pas plus avancé que les autres. L’idée me venait seulement qu’on voulait nous faire peur. Enfin, nous allions bientôt savoir à quoi nous en tenir.

À neuf heures, nous partîmes. Toutes les rues aboutissant à l’hôtel des états s’encombraient déjà de peuple ; les patrouilles allaient

et venaient ; les gens de toute sorte, bourgeois, ouvriers et soldats, avaient l’air inquiet ; chacun se méfiait de quelque chose.

Dans le moment où nous approchions de la salle, il commençait à pleuvoir ; l’averse ne pouvait pas tarder à venir. J’étais en avant et je me dépêchais. Une centaine de députés du tiers stationnaient devant la porte, sur la grande avenue ; on les empêchait d’entrer, tandis que la noblesse et le clergé passaient sans observations ; et, comme j’arrivais, une espèce de laquais vint prévenir messieurs du tiers état d’entrer par la rue du Chantier, pour éviter tout encombrement et confusion.

M. le marquis de Brézé, ayant eu de la peine à placer tout le monde avec ordre, le jour de la première réunion des états généraux, avait