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— Joffre, incurable, annonce aux journalistes américains la rupture prochaine du front allemand.

— Haraucourt publie dans le Journal un conte où un personnage tient des propos humains et généreux sur la guerre. Cette monstruosité s’explique à la fin du récit : il s’agit d’un eunuque.

— Les succès russes vers Lemberg et italiens vers Goritz grisent déjà les cervelles. Une sage revue, d’ordinaire réservée, exige des Allemands des centaines de milliards d’indemnité, l’Alsace-Lorraine de 1648 et de 1766, le bassin de la Sarre, de la Ruhr, de nouvelles colonies, etc.

— Un publiciste décrit dans le Journal l’arrivée au repos d’un régiment. Il compare ces soldats aux croisés retour d’Orient, aux gens d’armes du XVe siècle, à Brin-d’Amour et la Tulipe, à tous ceux « qui écrasaient le bourgeois de leur mépris ». C’est, dit-il, la reviviscence d’une mentalité guerrière abolie. Et il est heureux. Voilà justement un des pénibles aspects de la guerre : c’est la régression, l’acquis du progrès qui craque et tombe, le retour au bon-vieux-temps, au milieu des applaudissements et de la jubilation des rétrogrades.

— De Lavedan, Intransigeant du 18 août. « Dans la zone où se célèbre depuis deux ans, au tocsin de la mitraille et aux orgues de la canonnade, le Grand Office de la Guerre, le Saint-Sacrifice par excellence, la Messe du Droit et de l’Honneur, et qui est comme la Paroisse de la Patrie, etc. » Eh bien, gens qui aimez la guerre, voyez-vous qui vous servez ?

— On me fait remarquer que nos journaux n’insistent jamais sur la maîtrise de la mer et sur la possession de colonies allemandes. Il semble qu’il y ait là un parti pris, la crainte que le public ne s’aperçoive d’une équivalence de gages et ne demande la fin du massacre.