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de charbon gros comme un oreiller. L’ensemble est pâle, vert, sans haine apparente, pépiant même. C’est la résignation puérile des foules populaires. 25 sergents de ville — je les ai comptés — jeunes, gras, costauds, surveillent ces 200 fantômes.

— On nous a annoncé le 10 que nous ne mangerions plus que du pain rassis, vendu 12 heures après sa cuisson. Il paraît qu’on en consommera moins.

— Un découragement écœuré, un dégoût de vivre me prennent quand je lis dans les journaux les déclarations du généralissime anglais Haig a un journaliste, décidant qu’il écrasera l’Allemagne jusqu’à ce qu’elle soit à jamais hors d’état de recommencer, que sinon ce serait la guerre dans trois ans, etc… ou le discours d’un Doumergue en Russie, déclarant que Constantinople à la Russie est la condition sine qua non de la paix.

— On me cite une revue médicale allemande disant que les enfants naissent sans ongles — mères déphosphatées — et qu’on laisse les gosses dormir dans les classes, respectant leur lassitude au lieu de les punir comme on le faisait naguère.

— Un parlementaire racontait que le 31 juillet 1914, il avait rencontré Delcassé au restaurant du Palais d’Orsay. Il demanda au gnome ce qu’il pensait des Russes. Et Delcassé, avec ce terrible accent Midi-d’Espagne qui lui fait prononcer « la France notre méïre » pour « la France, notre mère », lui dit : « J’ai essayé de les aiguiller vers Berlin, car ils voulaient marcher sur Vienne. Sans tomber dans l’optimisme de ceux qui les voient à Berlin en septembre, je les y vois avant la fin de l’année. »

— Depuis plusieurs mois — mais ces catastrophes-là ne comptent plus — il y a en moyenne une explosion d’usine de guerre par jour pour l’ensemble des belligérants.