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— Pendant deux ans on nous a bercés de cette chanson : « Nous épuiserons l’Allemagne par le blocus. Resserrons-le. Vienne la disette, elle criera grâce. C’est à qui tiendra un quart d’heure de plus… » Et le jour où l’Allemagne propose de traiter, nul ne s’avise que ce sont peut-être ces prédictions qui se sont réalisées !…

Ce serait, en effet, l’arrêt de la guerre, souhaité par l’unanimité des masses des deux côtés des lignes. Mais foutre ! Cela ne ferait pas l’affaire des petites phalanges qui mènent ces masses, et qui ont de si puissantes, si nombreuses raisons de continuer indéfiniment.

— Il faudrait dégager les traits neufs de cette guerre, dire en quoi elle est inédite. Étude impossible à publier, car dire que cette guerre est nouvelle, c’est détruire les vieilles idoles, les vieilles formules, c’est discuter le dogme. On ne le permet pas. En quoi elle est nouvelle ?

1o Les effectifs engagés. Il y a 40 millions d’hommes habillés en soldats, pour tous les belligérants.

2o Les pertes sans exemple. Environ 8 millions d’hommes en deux ans.

3o Ces énormes armées sont comme des pieuvres au flanc des nations nourricières. Elles sucent leur argent, leur nourriture, troublent leur économie générale, leur vie organique.

4o Il y a une presse à grand tirage. Elle est aux mains d’un petit nombre d’avidités et elle est lue par le grand nombre d’ingénuités. Elle tombe sur une population qui sait lire — après 40 ans d’instruction obligatoire — mais qui ne sait pas encore penser. Les cerveaux absorbent cette nourriture frelatée, sophistiquée, mais ne savent point encore discerner le bon du mauvais, le vrai du faux. Il y a empoisonnement.