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d’un article humoristique qui, après le jour sans viande et le jour sans théâtre, proposait le jour sans guerre.

— Oh ! L’œuvre des journaux ! À Serbonnes, le père du soldat J… qui tremble à chaque seconde pour son fils, dit à propos de la note allemande : « Ah ! il faut une paix durable. » Phrase lue.

— L’esprit militaire, l’esprit de caserne, reste identique à celui du temps de paix. Rien n’est changé dans ce milieu essentiellement traditionnel. Aux aérostiers de Saint-Cyr, un adjudant arrache les boutons de capote représentant une grenade, quand cette grenade a la tête en bas.

— La réaction a créé l’impopularité du Parlement. Dans le métro, un quidam en officier gifle un député parce qu’il est député. À côté de moi, au restaurant, un petit médecin auxiliaire, voyant entrer le Sous-Secrétaire d’État à la Santé, dit : « Voilà longtemps qu’il gagne ses 25.000 francs, sans doute à ne pas faire grand’chose. »

— Mon camarade B… me disait que les 1.300.000 morts actuels, alignés côte à côte, au bord d’une route, la garniraient de Paris à Nice. En la parcourant en auto, on aurait, pendant les trente heures du voyage, ce rang ininterrompu de cadavres sous les yeux. Tristan Bernard à qui je rapporte ce propos au téléphone, réplique : « Dites donc, ce n’est pas pour faire aimer le tourisme, cette vue-là. »

— Joffre se plaint de n’être plus rien : « Consulté… pas toujours écouté. » il a été question de l’installer, avec une trentaine d’officiers, à Neuilly, dans un pensionnat de jeunes filles, ou dans un couvent.

— Le Sénat est épileptiquement patriote. Le patriotisme, c’est la virilité des vieillards. Ils couchent avec la victoire. Dès qu’un orateur prononce le mot de « lassitude », tous ces vieux lions grondent.