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Anatole France m’attend à la gare. Il est atterré par la condamnation de Malvy, qu’apportent les journaux de Paris par mon train.

Nous parlons de son projet d’écrire une lettre ouverte à un personnage en place. Poincaré ? Il en fera moins de cas que de la lettre de Léon Daudet ! Wilson ? Il ne comprend pas le français. J’opine pour Bourgeois, l’homme de La Haye, de la Société des Nations, qui a pour France une admiration agenouillée.

Le 8, nous allons à Tours, où le fidèle Dubiau tient courageusement, contre ses concitoyens, le langage de la raison. Nous apprenons la nouvelle offensive franco-anglaise à l’est d’Amiens. Et on sent que les plus pacifistes, tout en songeant aux pertes, sont mordus par le démon de la guerre…

Le soir, de retour à la Béchellerie, France me dit, avec cette hésitation timide d’auteur débutant, si surprenante chez ce maître de la pensée, qu’il vient d’écrire une conversation sur Dieu. Ce sont des entretiens qu’il publierait après la guerre. Oh ! Elle n’est pas achevée, sans quoi, il me la lirait. Il y développe cette idée que si Dieu existait et qu’il eût permis cette boucherie, ce serait vraiment le plus abominable des êtres.

— Le 9. On annonce l’avance de 10 kilomètres du premier jour de l’offensive d’Amiens. Balfour a avoué dans un discours que l’Angleterre ne rendra pas les colonies allemandes à l’Allemagne actuelle, parce que les Allemands tyranniseraient les populations (!)… Et la guerre du Droit ? Et la formule « pas d’annexions ? »

— Et que de pertes, hélas ! dans ces contre-offensives. Oui, partout des pertes sans nom, partout des deuils, une frénésie, une recrudescence de sauva-