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fut interdite depuis quatre ans et qu’il a fallu cette circonstance exceptionnelle pour lever la consigne.

— Une jolie nouvelle à écrire. La rue, à Paris. Les jupes n’ont jamais été si courtes et si légères. Il faisait du vent. Les femmes n’avaient pas assez de leurs deux mains pour retenir de-ci de-là l’étoffe envolée. L’ami qui m’accompagnait était gai, parce qu’il avait reçu le matin de bonnes nouvelles de son fils, sous-lieutenant. Aussi contemplait-il avec complaisance une jeune femme qui, devant nous, n’était plus, jusqu’à la taille, que vêtue d’aquilon. On voit le conte, sur les papas qui ont un gosse aux armées et qui se permettent un regard aux jambes féminines, quand ils ont de bonnes nouvelles du front.

— Les casques inscrivent les races. L’Allemand tient de l’alambic. Le Français est religieux. L’Anglais est colonial. L’Américain complète une silhouette d’athlète antique.

— La femme d’un mobilisé est retenue à Lille, puis libérée. Elle vante l’attitude correcte des officiers allemands, devant son mari. Celui-ci la tue à coups de rasoir. Acquitté aux applaudissements du public.

— On me signale l’énorme afflux de blessés à Paris, surtout la nuit. Et les affreux ravages de la gangrène gazeuse.

— Le 28. Mon fils, qui était à la montagne de Reims, est envoyé le 18 juillet à Esnon près Laroche. Un de ses camarades nous dit l’incroyable misère du soldat, l’infâme nourriture, le riz, les haricots au lard rance. Quand arrive la viande, les cuisiniers prélèvent les meilleurs morceaux pour les officiers, puis pour les sous-officiers et enfin, pour ceux qui les payent. Les hommes ont le reste, le déchet. Comment réagir ? Une plainte régulière est mal vue. Molester les cuisiniers ? Ils sont couverts par leurs