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MAI 1918


— Il faut que je relève ici quelques passages d’une lettre d’Anatole France (21 avril 18) à ma femme. Elle lui avait envoyé un dessin de Gassier : un Empapahouta en train d’écrire un livre intitulé : « Sous les obus », avec cette légende : « Avec ça, moi reçu de l’Acadimie quifquif Bazin. » Voici la réponse de France : « Chère Madame et Amie, vous me recommandez le candidat de votre choix, le malin Empapahouta. Je vous concède que « Sous les obus » est un livre propre à rallier les suffrages de nos vaillants académiciens. Mais mon choix est fait. Je vote pour le cheval du Maréchal. Le cheval de Caligula fut consul désigné ; le cheval de Joffre peut bien être nommé membre de l’Académie française.

« À cet endroit, chère Madame, ma lettre a été interrompue par des Américains. Il m’en vient tous les dimanches une vingtaine qui me présentent des cartes postales à signer et s’en vont sans avoir dit un seul mot. Certains, plus loquaces, m’assurent de leur dévouement à la France, à la liberté, à la civilisation. L’autre jour, quelques-uns ont été surpris par le closier tandis qu’ils détachaient une traverse de la porte à claire-voie qui ferme la Béchellerie du côté de l’est. Emma, me supposant une célébrité que je n’ai pas, se persuada qu’ils emportaient ce bois comme une relique. Elle fut très dépi-