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faille de la guerre. Pour garder de l’espoir, j’évoque ces fines, ces savoureuses figures d’artisans, de cultivateurs, que j’ai vues, à Serbonnes, les filleuls de guerre qui venaient chez nous en permission. Oui, on trouvait là un terrain fécond, des promesses d’essor. Mais la foule des villes, le dimanche soir, si bestiale, si brutale… Et les défilés de conscrits de la classe 19, avinés, hurlants, inconscients… Et le café, où les petits bourgeois éructent leur journal. Toujours les mêmes propos, suggérés par la presse, attisés par la vanité patriotique. Et l’odieux stratège de restaurant, qui tout en dégustant son poussin-cocotte, rabat une armée, tourne l’ennemi, enveloppe l’aile gauche.

— On me montre des photos de l’obus du super-canon. Deux ceintures, rayures, cloison épaisse, calibre 229. En tout, 90 cm. de haut. Il a une fausse ogive de tôle, contre la résistance de l’air et pour le maintien sur la trajectoire. « Admirez la duplicité des boches, raille Tristan : leur ogive même est fausse. »

— Le 29. La fuite des Parisiens continue sous couleur de Pâques. À Orléans, la population a triplé. On ne savait comment la nourrir. Le maire a imaginé de faire quatre fausses alertes nocturnes. Les réfugiés s’en furent ailleurs.

— Aux éventaires des pâtissiers. À la place des gâteaux : des légumes et des fruits secs, des confitures et des conserves, des petits fours ingénieux, en « substances de remplacement ».

— Le 29. Quatre obus viennent de Saint-Gobain, de 3 h. à 6 h. L’un d’eux tombe sur l’église Saint-Gervais. On parle de 75 morts. Le dôme s’écroule sur une assistance mondaine qui venait écouter un concert du Vendredi Saint. On cite parmi les victimes un conseiller de la Légation suisse et le général Francfort.