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lement la tournée du supérieur chargé de rabrouer ses inférieurs, mais encore celle de l’intérieur qui, s’abstenant à dessein de saluer, doit dénoncer le supérieur qui n’exige pas le salut ! » Cela devient fou. Et penser que c’est Clemenceau qui instaure ces mœurs !

— L’Imprimerie Nationale a fait une minuscule édition en allemand du livre J’accuse. On se propose de lancer ces petits volumes dans les lignes ennemies par obus, en même temps que diverses proclamations, exhortations à entrer en République, etc. Ah ! Si les obus pouvaient ne contenir que des idées…

— Le 14. Paraît le décret, applicable le 25, sur les nouvelles restrictions. Elles frappent les confiseries, pâtisseries, maisons de thé, mais surtout les restaurants. C’est logique. Car il s’agit surtout de donner satisfaction à nos Alliés par une austérité apparente. On n’atteint donc pas le foyer, mais le débit. On touche à ce qui se voit, on épargne ce qui ne se voit pas.

— Un chien poursuit un petit garçon boucher à bicyclette. Le gosse lui jette par dessus l’épaule des injures ascendantes : Va donc, salaud, vomi, ensorcelé, nouveau riche…

— On évoquait devant moi les gâteaux abolis, le Saint-Honoré et ses croquembouches craquants, le baba spongieux, le fluide éclair. Quelle mélancolie, le rappel de ces innocentes douceurs… Car c’est une toute petite image de l’absurde monstruosité.

— Je croise Clemenceau. Il est seul, en auto. La face hindoue est impassible, dure, de bronze. Tout le corps a cet aspect coulé, tassé, qu’on prend facilement au fond d’une auto et qui donne tout de suite je ne sais quoi de vautré, de repu et d’insolent. Je pense aux responsabilités dont la raison recouvrée chargera peut-être cet homme. N’avoir vu que la guerre militaire. Avoir négligé les autres formes de