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domestiques ». France dit : « Comme au XVIIIe siècle, où on rangeait les laquais. » Il y a Tristan Bernard, Jean Louguet, Victor Snell, La Fouchardière (dont les romans sur la guerre ont fait passer des vérités sous le manteau de l’humour)… Tristan Bernard me téléphonait le soir son impression d’une conversation touffue, pleine et diverse, et par là si différente d’un repas bourgeois.

— Je lis cette nuit le rapport Paisant, de la Commission des Onze, chargée d’examiner les poursuites contre Caillaux. On y voit le réquisitoire Dubail, la sténographie des séances, des pièces annexes. La défense de Caillaux est ferme, virile, piquée d’anecdotes spirituelles. La déposition de Clemenceau laisse rêveur. Il dit en substance : « Il faut rassurer les soldats, qui se croient trahis. Il faut toute la lumière. » Il oublie que ce sont des articles de journaux et notamment les siens, qui ont créé cette atmosphère de soupçon. Il semble obéir à une honnête contrainte. N’obéit-il pas plutôt au désir d’étouffer une politique contraire à la sienne ?

Ah ! Qu’Anatole France avait raison de proclamer ces jours-ci qu’il y avait là une nouvelle affaire Dreyfus ! Et Clemenceau ne vient-il pas d’ajouter à la ressemblance, en parlant de « dossiers secrets » qu’il ne peut pas ouvrir sans l’assentiment des Alliés ?

— Le 22. Alerte de sirènes à 8 h. 20 du soir. Des coups de téléphone me montrent que la vie n’est pas troublée, qu’on continue de dîner, de lire. À 9 h. 15 la berloque. J’avertis la femme de chambre que c’est fini. Elle réplique : « Oh ! Monsieur, je n’ai pas peur ! » Tout est là…

— Le même soir, on me téléphone des impressions de la séance de la Chambre, où Caillaux se défendit. D’après les assistants, il aurait remporté