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a là une déformation professionnelle, prête à tout, dont on ne peut se faire une idée exacte sans l’avoir vue et touchée. Elle explique bien des choses…

— Un régiment de zouaves, l’hiver dernier, à Verdun, dut attendre, une nuit de froid cruel, dans les trous, avant l’assaut. Le colonel téléphona au général que ses hommes allaient geler, qu’ils ne pourraient pas marcher. Le général, du fond de son poste, les maintint en place. Il y eut 1.200 cas de pieds gelés, et 600 amputations.

D’innombrables faits analogues seront divulgués après la guerre. S’ils ne dégoûtent pas les gens du militarisme, il faudra définitivement désespérer de l’humanité.

— Pensez à ce communiqué qui, deux fois par jour, depuis plus de 1.000 jours, nous répète que « tous nos coups de main ont réussi », que « tous les coups de main ennemis ont échoué sous nos feux ». Pas une exception à la règle ! Pas une. Comment le lecteur garderait-il sa lucidité ?

— Le capitaine V… raconte ceci : un de ses chasseurs à pied veut passer chez les Allemands. Il est pris par un régiment voisin qui fait l’enquête. L’exécution est certaine, inévitable. V… emmène l’homme dans un bois, lui donne son revolver et cinq minutes pour se tuer. Ainsi on pourra dire à sa vieille mère qu’il est mort glorieusement. Les cinq minutes passées, V… revient. Le petit soldat pleure. Il ne peut pas. V… lui donne trois minutes et le trouve encore vivant. Alors, il le tue.