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— Victor Margueritte m’annonce l’arrestation d’Almereyda, directeur du Bonnet Rouge.

— Terrasse de la Taverne Wéber, rue Royale. 7 heures du soir. Un déchaînement de vie, de plaisir, incroyable. On flambe en sept jours de permission les réserves d’ardeur et d’argent de quatre mois. Toutes les nations. Babel à Babylone. Deux soldats, l’un Belge, l’autre Américain, tous deux ivres, s’étayent en se donnant le bras. Deux officiers, amputés chacun d’un bras, entrent, radieux. Et l’incessant défilé des autos, où les couples se pâment et se pompent.

— Je vois dans une étude sur le pacifisme que la défaveur où on le tient vient de ce qu’il équivaut « à la peur des coups ». On oublie qu’il s’agit des coups que reçoivent les autres. Et ceux qui n’ont pas peur, c’est des coups que reçoivent les autres.

— Les Russes ont abandonné Cernowitz. C’est effrayant ce que cette ville a changé de maîtres en ces trois ans. Les habitants ne doivent plus s’y reconnaître. D’autant que le vainqueur les pend toujours.

— Le vieux député Andrieux brandit encore l’argument stupide : la paix actuelle ne serait qu’un armistice. Qu’en sait-il ? Quoi ? L’inanité de la guerre n’est pas prouvée ? Dites qu’on ne veut pas actuellement la montrer.

— Tristan Bernard me fait remarquer qu’auprès de chaque haut personnage en place, il y a toujours une femme d’origine étrangère et « que ce sont encore là nos plus sûres relations diplomatiques ».

— Dans leurs retours à la raison — s’ils en ont — que doivent penser les nationalistes, les gens de « la France aux Français », quand ils voient Paris envahi d’étrangers, la France colonisée par l’Angleterre, l’Amérique ?