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jeunes hommes en officiers, le col ouvert sur d’énormes cravates de satin blanc, les jambes gantées de hautes bottes fauves, s’accouplent à de petites grues éclatantes, les étreignent, les pétrissent, leur parlent dans la bouche. Et tous les taxis sont autant d’alcôves en marche, ouvertes sur la rue.

— Les chiffres communiqués au dernier comité secret sur l’offensive du 16 avril 17 sont : 25.000 morts. 55.000 disparus (?). 70.000 blessés.

C’est, en un matin, les pertes allemandes de toute la campagne de 1870 !

L’Heure du 2 août imprime : « il faut tuer du Boche, d’abord. » Voilà l’idéal actuel de l’humanité…

— La dictature qui nous opprime est servie par la plasticité de la créature. On s’est plié sans révolte au contrôle postal, par exemple. On a accepté que les lettres — les lettres où l’on vainc ses pudeurs plus que dans les paroles, les lettres à qui l’on confie sa pensée vraie et l’intimité de son cœur, les lettres qui sont souvent un morceau effeuillé de soi-même — on a accepté que les lettres soient ouvertes par des fonctionnaires improvisés, des gens qu’on connaît peut-être, et qui peuvent ainsi satisfaire leur curiosité basse, amusée, ou méchante, ou rancunière, et en tout cas officielle !

— On me décrit des maisons où l’on soupe, actuellement, depuis que les cafés ferment à 9 h. ½. Ce sont des demi-mondaines qui ont ouvert leur logis. On y paie le repas, le champagne, comme dans des restaurants de nuit. Parfois on y danse. Il y a là un public d’étrangers, d’officiers permissionnaires, de noctambules incurables.

— On me trouvera peut-être ridicule de vitupérer contre les restaurants, puisque j’y mangeais ! Mais on ne peut parler que de ce qu’on a vu. Ce qui me