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à bras ouverts, portes ouvertes, caisse ouverte. L’argent s’offre en torrent.

— Gheusi est sombre. Les grèves vont s’étendre, attisées par la C. G. T. (Confédération générale du Travail). Déjà à Ménilmontant, Belleville, l’émeute gronde ; on y force les autos de luxe à rebrousser chemin. Les garçons bouchers vont faire grève. Et puis, un parti veut mettre Joffre à la présidence de la République. Les Russes se morcellent en fédérations. La paix prématurée est à craindre.

Arrive Arthur Meyer, qui a vu Poincaré le jour même afin de l’inviter à une fête de bienfaisance. Un des soucis de Poincaré, c’est le choix d’un ambassadeur en Russie. Qui nommer ? Thomas ? Sembat ? Paul-Boncour ? Pichon a refusé, après avoir pris connaissance des traités France-Russie. Grosse question, ces traités. La presse y fit timidement allusion. Les révolutionnaires russes voulaient les publier. Le formidable effort contre Stockholm n’avait-il pas en particulier pour but d’empêcher cette divulgation ? Arthur Meyer pense que les Allemands les publieront.

Pour compléter la physionomie de cette visite à Gheusi, notons l’irruption d’une jeune pensionnaire de l’Opéra-Comique, retour du front de Nancy, où elle chanta Manon aux soldats. Et c’est la guerre en ritournelles, l’empressement sénile des généraux, la valse aux bras du commandant infatigable, les galantes attentions d’un noble état-major, les fossettes et les beaux cheveux blancs de Paul-Boncour, les larmes versées sur les petites tombes des soldats, le bruit du canon, l’automobile repérée, la visite au village détruit, à 800 mètres des lignes, ma chère… bref, un ravissement.

— Une ville du Nord, derrière le front. Le général commandant la place reçoit une délégation de