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il était interdit aux jeunes soldats de porter le ceinturon de cuir fauve. C’était une fantaisie qu’on satisfaisait avec des ruses et qui entraînait une punition. Cette année, les arrivants sont punis quand ils ne portent pas le ceinturon. Toute la mentalité de caserne est là-dedans. Et on voit qu’elle est bien vivante, après trois ans de guerre !

— La Censure interdit la publication de l’ordre du jour de la fédération socialiste de la Seine — qui, le 20 mai, s’est prononcée pour Stockholm par 5.400 voix contre 4.300.

— Le 21. Lundi. Premier jour sans viande. Le dimanche 20, on se rua sur les boucheries, afin de s’approvisionner pour deux jours. Troubles, assauts. Les bouchers mettent la viande aux enchères. On se volait les morceaux. Dès 10 heures du matin, tout est raflé.

— Les sentiments cornéliens, tels que « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », sont soulignés de tonnerres de bravos au Théâtre-Français. Le bourgeois a l’âme romaine, au théâtre.

— Le 22. Les grèves de « midinettes » s’étendent. L’aspect des cortèges est neuf. Ce sont de jeunes femmes, la plupart « en tailleur » bleu marine. Elles rient. Elles chantent. Un nombre énorme d’agents les surveillent.

Il y eut quelques échauffourées. Les journaux n’en disent rien. La Censure cède à la tentation, à la facilité d’interdire tout ce qui peut nuire au gouvernement, toute ombre au tableau des mœurs.

— L’ingénieur G…, retour d’Amérique, débarque enthousiaste. Les Américains sont un peuple jeune, généreux, plus intelligent qu’intellectuel, qui ignorait la France. C’est Verdun qui la lui a révélée. Et alors, il suffit d’être Français pour être reçu