La fig. 2. représente les huit premiers vers de la premiere ode pythique de Pindare, où les quatre premiers, sous un chant bien suivi & bien terminé, montrent qu'ils se chantoient par une ou plusieurs voix à l'unisson, & où les quatre derniers, sous une seconde suite de chant, montrent qu'ils se chantoient non-seulement à plusieurs voix, mais encore qu'ils s'accompagnoient avec des cythares & autres instrumens, soit à l'unisson, soit à l'octave, ce qui formoit un chorus. (Voyez Musique).
Traduction de cette strophe.
Lyre dorée, compagne inséparable d'Apollon & des Muses, à la belle chevelure, vous réglez, par vos sons, les mouvemens de la danse, qui est la source de la joie. Les chantres obéissent à votre signal, lorsque pincée d'une main délicate, vous faites entendre les préludes de ces airs qui donnent le ton aux chœurs des musiciens; & par le charme de votre harmonie vous pouvez éteindre les traits enflammés de la foudre.
La fig. 3. représente le fragment d'une autre ode attribuée à Mésomédes, poëte qui vivoit sous l'empire d'Adrien. Cette ode entiere est de 20 vers, qu'on appelle anapestiques-hyper-catalectiques, c. à d. qui ont de trop ou une syllabe breve ou une breve & une longue; comme sont la plûpart des vers négligés de Pindare, d'Anacréon, &c. ainsi que le témoigue Horace, (carm. 4. od. 2. v. 11. & 12.) qui dit, parlant du premier: numeris fertur lege solutis; qu'il affecte des cadences qui ne reconnoissent point de lois; & du dernier, non elaboratum ad pedem. (Mém. des Inscript. & Bel. L. T. V. p. 190. 199.) Quant au chant que cette ode comporte, on l'a toujours cru jusqu'ici imparfait, & c'est le sujet de la remarque qui est à la fin. Cependant à examiner la chose de plus près, on auroit lieu de croire que ce chant seroit complet & terminé; voici ce qui serviroit à autoriser cette opinion. Nous avons remarqué, 1°. que chaque strophe étant de cinq vers, elles pouvoient être chantées toutes sur le même chant; 2°. que les chants des anciens étoient généralement plutôt des especes de refrains périodiques que des chants prolongés & suivis; 3°. enfin, que les Grecs élidoient de tems à autres, suivant que l'exigeoit l'irrégularité de ces vers, plusieurs notes sur le même degré ou autrement, en faveur des syllabes breves, surnuméraires, qui sont censées hors du rhythme ou de la cadence, sans que pour cela le chant cesse d'être toujours le même quant au fond. Si cette conjecture n'est pas appuyée sur la vérité, du-moins elle est fondée sur la vraisemblance; car la derniere mesure de cet air, qui paroît différer beaucoup de la premiere, n'est, à considérer la chose attentivement, qu'une espece de retour ou de renvoi périodique qui commence la seconde strophe, & qui conduit directement à la seconde mesure du commencement, par une modulation détournée en apparence, qui tire sa source de la différence qu'il y a entre les deux cordes appellées l'une trite synemménon, & l'autre paramèse, du troisieme & quatrieme tétracorde de l'ancien systême. (Voyez Pl. V. & Pl. IX.) Le chant de la premiere ode est, selon M. Burette, (Mém. des Insc.) dans le mode Lydien; mais il pourroit encore se faire qu'il fût du mode Phrygien, vu que ses cordes sont communes à ces deux modes, lesquels répondent à-peu-près à notre ton d'e-si-mi, tierce mineure, de même que celui de la seconde hymne ou ode, qui pourroit être aussi, comme nous l'avons remarqué, dans le mode hypo-Lydien, aussi bien que dans le Lydien: mode qui revient au ton d'e-si-mi tierce majeure.
La fig. 4. représente un air chinois, noté conformément à notre maniere, mais nullement à notre gamme; car nous ferons observer ici en passant que les Chinois n'ont en tout, dans leur systême musical ou leur gamme, qu'ils appellent Lu, que cinq sons ou cordes principales. Ce Lu ou systême tire sa source de la progression triple, d'un terme quelconque, portée à sa onzieme puissance ou son douzieme terme, ainsi qu'étoit le systême de Pythagore; c'est ce que représente la fig. suivante.
Progression triple ou de quinte, qui donne le système de Pythagore.
sol la si ut# re# mi# 1. 3. 9. 27. 81. 243. 729. 2187. 6561. 19683. 59049. 177147.
Ut re mi fa# sol# la#
De cette progression les Chinois ont tirés cinq termes pour construire leur Lu ou systême moderne (2). (Voyez Planche X V I. bis. figure 1.) C'est ce que nous prouvent non-seulement la plûpart des instrumens chinois & l'air ci-joint, mais encore tous les airs qui nous sont parvenus de la Chine, & qui sont insérés au III. vol. de l'Hist. de la Chine, du P. du Halde, & dans l'Hist. gén. des Voyages, VIe vol. p. 287; & lesquels airs ne sont modulés en effet que dans une disposition relative à l'ordre diatonique imparfait, des cinq sons pris inclusivement dans l'intervalle d'une sixte majeure altérée par excès, que comprend cette gamme. Or cette échelle ou gamme est, ainsi que la nôtre, susceptible de ses octaves ou repliques, tant à l'aigu qu'au grave, & par ce moyen, conséquemment le chant des Chinois parcourt aussi tous les sons possibles de la voix, mais toujours constamment en rapport des cinq primordiaux & principaux sons, dans quelque mode ou ton que ce chant soit pris & modulé.
On doit remarquer que dans ce systême le genre y est purement diatonique, mais avec cette différence, qu'il est diatonique imparfait, ainsi qu'il a déja été dit; la raison de cette imperfection est qu'il n'entre point dans ce systême d'intervalle de demi-ton comme dans le nôtre, ce qui ne sauroit produire une mélodie bien agréable pour une oreille européenne, comme le prouvent encore tous les airs déja cités.
On peut ajouter à cela que cette imperfection, si l'on doit s'en tenir à l'acception du terme, viendroit plutôt de l'altération de ses intervalles qu'autrement, puisqu'elle prend sa source dans une progression de quintes justes & successives, comme il est
(2) Sinous nous exprimons ainsi, c'est que selon l'histoire fabuleuse de ces peuples, ils avoient un autre lu composé de six cordes diatoniques (qui sont probablement celles de la progression ci-dessus, sol, la, si, ut#, re#, mi#,) & dont ils font remonter l'origine ainsi que les lois & les préceptes de l'art musical au tems de Fouhi. Leur vénération n'est plus si grande aujourd'hui qu'elle étoit anciennement pour cet art; & cela depuis la perte qu'ils ont faite des anciens livres qui en traitoient. Le seul livre qui existe actuellement à la Chine, concernant cet art, est en quatre volumes. Il a pour titre la vrai doctrine du Ly ou Lu, écrite par ordre de l'empereur Canghi, régnant en l'année 1679. (Hist. de la Ch. du P. du Halde, L. III. p. 267).