Page:Encyclopedie Planches volume 5.djvu/360

Cette page n’a pas encore été corrigée

la bride que le rebatteur sépare de la piece un morceau propre à faire une ardoise, & qu'il façonne ensuite cette ardoise. Il se sertà cet effet d'un rebattret N Pl. II. qu'il tient de champ de la main droite, & dont le tranchant est dirigé par le parement de la bride du côté de ce rebattret. Quand le rebatteur tient de la main gauche un morceau de piece d'en-haut, destiné à former une ardoise; cette ardoise se trouve toujours entre la main gauche & la bride, & tout ce qui est à droite de cette bride doit s'en aller en recoupes. Ces recoupes tombent dans une espece de petite auge 4, appellée oiseau, qui se place sous la tête du cheval, & dont on voit le dessein en grand O Pl. II. un petit faisceleux prend l'oiseau lorsqu'il est plein, & va le vuider en-dehors du haillon; ce sont ces recoupes qui ont formé les especes de petites montagnes qu'on voit sur les fig. 1. & 2. de la Planche premiere.

Les hacheurs encore novices se servent de leur rebattret pour donner à l'ardoise la longueur qui lui convient, c'est pour cela que la longueur du rebattret est précisément de onze pouces, qui est celle de l'ardoise moyenne. Ils donnent à-peu-près un pouce de plus à la grande, & un pouce de moins à la petite: on peut aussi dans la même vue, donner à la bride la largeur de l'ardoise moyenne, mais quand un ouvrier est une fois formé, il façonne son ardoise au simple coup-d'œil sans jamais se tromper. On commence ordinairement par faire le bout ou le pié de l'ardoise qui doit être en ligne droite, ensuite les côtés qui le sont aussi jusqu'à environ moitié de leur longueur, & on finit par la tête, qui est arrondie quelquefois même assez irrégulierement; c'est cette irrégularité de la tête qui sauve les ouvriers. Ils font cependant de l'ardoise quarrée qui a ses quatre angles à l'équerre, mais elle est beaucoup plus chere que l'autre, parce qu'elle occasionne bien davantage de déchet. On sent que ce déchet seroit encore bien plus considérable si on ne faisoit que de la quarrée. Il paroît même qu'on ne multiplie pas assez les échantillons, ce qui fait perdre beaucoup de pierre, d'autant plus qu'il faut toujours que la longueur de l'ardoise soit dans le sens de la longueur du banc.

Il faut beaucoup de tems avant qu'un ouvrier puisse devenir bon hacheur, non-seulement parce qu'il faut travailler fort vîte à ce métier pour y gagner quelque chose, mais encore parce qu'il faut à cet ouvrier un coup-d'œil juste pour voir sur-le-champ en prenant une piece, combien il en pourra tirer d'ardoises, & de quel échantillon. Comme la pierre est au compte des ouvriers qui se chargent de la tirer, de la monter, de la débiter, de la façonner, & délivrer ensuite pour un certain prix fixé par le propriétaire de la carriere, on voit combien l'ouvrier qui sait tirer le meilleur parti de sa pierre a d'avantage sur les autres. Le hacheur range ses hardoises à mesure qu'il les fait, non-seulement par échantillon, mais encore par épaisseur, parce que dans le même échantillon il y a de la grosse, de la moyenne & de la fine, suivant que la piece étoit plus ou moins épaisse.

Les échantillons qui se font à la carriere de Rimogne & dans beaucoup de celles des environs sont la quarrée de douze pouces de long sur huit de largeur; le barra d'un pié sur sept pouces; la demêlée de onze pouces sur six; & la flamande de dix pouces sur six pouces & demi. La quarrée seule a, comme nous l'avons déjà vû, ses quatre angles à l'équerre, les trois autres ont leur tête arrondie, mais le barra & la demêlée ne sont faits que pour avoir quatre pouces de pureau, c'est-à-dire qu'elles n'ont leurs côtés en ligne droite que jusqu'à un peu plus de quatre pouces de leur pié, au-lieu que la flamande, quoique plus courte que les autres, peut porter cinq pouces & demi de pureau, c'est en quoi elle est préférable. On fait aussi, avec les rebuts, des faiseaux, c'est le nom qu'on donne à des ardoises irrégulieres par leur forme & par leur épaisseur, elles servent à couvrir les maisons du pays, & se posent sur un mortier de terre.

Tous les jours, le matin & le soir, les ouvriers sortent du haillon l'ardoise qui s'y trouve façonnée, & la portent à leurs crêtes ou treilles; on nomme ainsi de grandes files d'ardoises f f, fig. 1. & 2. Planche premiere, où les ardoises sont rangées par nature & par échantillon, elles y sont aussi toutes comptées & divisées par cent, comme on le voit en d, fig. 1. Pl. V. c'est-à-dire que chaque nouveau cent saille en-devant d'environ un quart de pouce sur celui qui le précede. Les bouts de chaque crête sont retenus par un morceau d'ardoise fiché en terre qu'on nomme pé ou pey. C'est sur un des peys qu'on écrit la quantité d'ardoises qu'il y a dans chaque crête, & le nom du chef de la bande à qui cette crête appartient, car les ouvriers ne livrent leurs ardoises au facteur que deux fois l'année, à la S. Jean & à Noël; cela n'empêche pas qu'on ne leur donne de tems-en-tems des à comptes, suivant qu'ils ont plus ou moins d'ardoises de faites, mais ils répondent de la quantité jusqu'à ce qu'elle ait été livrée à une des deux époques susdites, après quoi elle est au compte du maître, ou au moins du facteur.

L'ardoisiere de Rimogne occupe actuellement près de cent vingt ouvriers, non compris le facteur & les maréchaux employés à réparer les outils. On compte parmi ces cent vingt ouvriers cinquante maîtres écaillons, & trente ou trente-cinq petits faiseleux qui servent les écaillons. Les autres sont appellés Tireurs, & font agir les pompes; ce sont presque toutes femmes & filles. Les cinquante maîtres écaillons sont divisés en six ou sept bandes appellées couples. Un couple est ordinairement composé de huit hommes, dont cinq travaillent en-bas; ce sont eux qui, comme nous l'avons déjà vû, séparent la pierre du banc, la débitent en étendelles & en faix, & montent les faix à moitié chemin. Les trois ouvriers d'en-haut qui prennent la pierre au dépôt & la montent dans les haillons, sont les mêmes qui refendent les faix en repartons & en pieces, & débitent les pieces en ardoises. Quand le travail du fond de la fosse est difficile, & que les ouvriers d'en-bas ne tirent pas assez de pierre pour entretenir ceux d'en-haut, un ou deux de ceux-ci descendent pour aider les autres; tout le couple même travaille en-bas, pendant tout le tems que dure le crabotage; & comme c'est une opération qu'on a intérêt de hâter, & que tous les huit ne peuvent cependant pas ordinairement y travailler en même tems, ils reprennent successivement le travail qui se continue par ce moyen jour & nuit. C'est par cette raison que tous les ouvriers d'en-haut savent travailler en-bas, au-lieu qu'il y a beaucoup d'ouvriers d'en-bas qui ne savent pas travailler en-haut; l'ouvrage se fait cependant en commun, c'est-à-dire que ce que le maître de l'ardoisiere paye pour chaque mille d'ardoises qui est livré à son facteur, se partage également entre tous les ouvriers du couple. Quant aux cinq ou six petits faiseleux qui les servent & qui enlevent les décombres & recoupes, tant au-dedans qu'au-dehors de la fosse, ils n'ont d'autre payement que ces mêmes recoupes & quelques morceaux de bonne pierre que les maîtres ouvriers leur donnent; ils en font des faisaux & de l'ardoise qu'ils vendent à leur profit, mais toujours au propriétaire de l'ardoisiere, dont le facteur seul peut vendre & débiter aux particuliers.

On voit par tout ce qui précéde que le propriétaire de l'ardoisiere reçoit l'ardoise toute façonnée de la main des ouvriers qui se fournissent d'outils & de lumiere. Il ne la leur paie même que moitié de ce qu'il la vend; mais il ne faut pas croire pour cela que cette seconde moitié soit tout gain. Il faut qu'il préleve dessus les droits dus au seigneur, les premiers frais de l'ouverture de la fosse, l'intérêt de ses avances, les appointemens de son facteur, une certaine somme qu'il donne pour chaque crabotage qui s'adjuge ordinairement au rabais. & toujours avec la condition que les mêmes qui auront fait le crabotage, exploiteront à leur profit la pierre qui se trouvera au-dessous. Le propriétaire de l'ardoisiere est encore tenu de la fourniture des bois nécessaires pour les houres & hourdages, & pour les étayemens, de la fourniture & entretien des échelles, de la construction & entretien des grands conduits souterreins, & de la fourniture & entretien des pompes. Quant aux tireurs qui font agir ces pompes, il les paie seul pendant tout le tems qu'on ne travaille pas dans