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donne le plus ordinairement, car l'ignorance ou la capacité de ceux qui sont chargés de diriger le travail, l'avidité des ouvriers, & la qualité plus ou moins bonne de la pierre dans telle ou telle partie qu'on avoit d'abord destinée pour y foncer une culée, ou pour y réserver un pilier, sont autant de causes qui font varier la situation & les dimensions de ces culées ou de ces piliers. Au-lieu, par exemple, de faire toujours un forage entier, on ne fait souvent qu'un demi-forage. C'est ainsi qu'on appelle celui qui n'a que dix à onze piés de largeur, au-lieu de vingt ou vingt-deux, car la dénomination de demi-forage se prend toujours par rapport à sa largeur de l'est à l'ouest, & sans avoir égard au plus ou moins de longueur du nord au sud. Un forage entrepris sur A B ou sur a b, & sur D C ou d c, s'appelle un forage debout; mais celui sur A B ou a b, vû la partie supérieure du banc, prend le nom particulier de forage de devant, comme celui sur D C ou d c vers sa partie inférieure s'appelle forage de derriere. Quant aux forages entrepris sur D A & d a, ou sur C B & c b, on les nomme toujours & sans aucune distinction forages de côté.

Un forage soit debout soit de côté, se commence toujours vers le ciel de la carriere. Ce commencement de travail qui se fait immédiatement sous le ciel, se nomme crabotage, & comme presque toute la pierre qu'on tire d'un crabotage tombe en pure perte, on le fait le plus petit, c'est-à-dire le moins haut qu'il est possible; cette hauteur est ordinairement de deux piés & demi: ainsi le crabotage i F m l fig. 1. Pl. III. n'a que deux pouces & demi de i en F, de sorte que quand il est fini il forme une espece de boîte de vingt-cinq piés de long, vingt-deux piés de largeur, & deux piés & demi seulement de hauteur, dans laquelle on entre par le seul côté i F ml.

Avant que d'entrer dans aucun détail sur la maniere dont se fait le crabotage, & sur toutes les autres manœuvres relatives à l'exploitation de cette ardoisiere, il est bon de prévenir qu'on trouvera sur la Pl. II. les desseins de tous les différens outils qui servent à cette exploitation. Je me contenterai, pour ne pas alonger inutilement le discours, de renvoyer à cette Planche la premiere fois que j'aurai occasion de parler de ces outils.

Outre les outils représentés sur la Planche II. on se sert encore pour soulever & manœuvrer les gros blocs d'ardoises, de grands leviers de bois & de piés-de-chevre & de ringards de fer, trop connus pour qu'il soit nécessaire d'en donner la figure; il en est de même des écopes pour jetter l'eau, des petites échelles & des grandes; ces dernieres doivent être fort solides, c'est pour cela qu'on donne à leurs jumelles quatre & cinq pouces d'équarrissage, & aux boursons deux pouces de diametre au milieu.

Le crabotage commençant toujours au ciel de la carriere, les ouvriers ne peuvent y travailler sans s'échafauder; les échafauds dont ils se servent n'ont rien de particulier que leur extrême légereté: ceux pour les forages debout, que les ouvriers nomment hourdages, sont soutenus par deux pieces de bois qu'ils nomment béculs, & qui sont placées en goussets dans les deux angles de la culée; on pose sur ces deux béculs deux traverses qu'on recouvre avec des perches & des claies, auxquelles on donne un peu de devers du côté de l'ouvrage. Les échafauds pour les crabotages de côté se nomment houres, & comme ils sont beaucoup plus longs que les autres, au-lieu de faire porter les traverses sur deux béculs, on les soutient avec des perches qui montent de fond. C'est sur ces échafauds que les ouvriers se placent pour commencer le crabotage en piochant avec un pic A Pl. II. Les décombres sont enlevés ensuite dans des hottes G même Planche, par de petits garçons appellés faiseleux, qui les portent dans d'anciennes culées; on les y jette souvent sans autre dessin que de s'en débarrasser; quelquefois cependant on les arrange par assises pour contre-buter les piliers, & même pour soutenir le ciel lorsqu'on s'apperçoit qu'il y a du danger.

Outre qu'il faut savoir prendre le sens de la pierre pour la piocher avec avantage, il y a encore des attentions à avoir pour que tout ce qui sort du crabotage, ne tombe pas en pure perte. Les ouvriers en tirent ce qu'ils appellent des pains de nœuds; ce sont des morceaux d'environ un pié de long, un pié de large, & dix-huit pouces de hauteur, avec lesquels on peut par conséquent faire de l'ardoise. Voici comme on se procure ces pains de nœuds.

Soit D e a b fig. 2. Pl. III. le plan d'une masse d'ardoise à craboter, & i F m l la face verticale de cette même masse, on commence par creuser avec le pic vers m l un trou n o m l de deux piés & demi de hauteur, qui est celle du crabotage, environ deux piés de largeur & un pié de profondeur; on réserve ensuite un pain de nœuds S d'un pié de large & un pouce & demi de hauteur qu'on détache du dessous p n l & du côté q p, par une tranchée d'un pié de largeur seulement, & d'un pié de profondeur, comme le trou n o m l: le pain isolé pour-lors par quatre de ses faces, ne tient plus que par le haut & par sa queue, qu'on a même eu attention de démaigrir, comme on le peut voir par le plan r de ce pain. C'est alors qu'on le détache en le frappant de côté à grands coups de hache d'ouvrage B Pl. II. On forme & enleve ainsi successivement tous les pains de nœuds ponctués, tant au plan que sur l'élévation fig. 2. Pl. III. après quoi le crabotage se trouve fait sur un pié de profondeur. On enleve ensuite de la même maniere une seconde file de pains de nœuds, puis une troisieme, & ainsi successivement jusqu'à ce que le crabotage soit tout-à-fait achevé, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on soit arrivé à la ligne e a.

Les ouvriers sont certainement bien peu à leur aise dans le fond des crabotages, pas aussi mal cependant qu'on pourroit se l'imaginer, d après ce qui a été dit, qu'on ne donnoit à ces crabotages que deux piés & demi de hauteur. Les fig. 3. & 4 de la Pl. III. font voir quelle facilité les ouvriers tirent dans cette occasion de la grande inclinaison du banc, qui fait qu'ils ne sont réellement qu'un peu couchés sur le côté, au-lieu d'être courbés comme on le croiroit d'abord.

Le crabotage une fois achevé, on divise la masse e a b D fig. 5. Pl. III. en trois longuesses H, I, L, par le moyen d'une taille de devant le long de a b, marquée d sur l'élévation d'une de derriere le long de e D, marquée s sur la même élévation, d'une de côté le long de e a, & de deux autres marquées C, tant au plan qu'à l'élévation. Les tailles sont, comme on le peut voir par ce plan & cette élévation des tranchées, de six à neuf pouces de largeur, & de douze à 15 pouces de profondeur, elles servent a isoler les quatre côtés des longuesses qui le sont déjà par dessus, de sorte qu'il n'y a plus que leur dessous qui tienne au reste du banc, dont on les sépare pour-lors avec des coins comme nous le verrons un peu plus bas.

Outre la taille de devant qui sépare la premiere longuesse d'avec le devant a b de la culée, on fait encore à cette longuesse des trous S de pareille profondeur de douze à quinze pouces sur autant de largeur, & dix-huit ou vingt-un pouces de longueur; ces trous se nomment manottes, ils donnent la facilité de placer & de frapper ensuite avec la hache d'ouvrage les coins C Planche II. qui doivent faire lever la longuesse. Il est essentiel d'observer qu'à quelque endroit qu'on place un coin, soit dans le fond d'une manotte ou ailleurs, on lui prépare toujours l'entrée avec le pic, & ce petit trou fait pour recevoir le coin s'appelle une tenure. La fig. 6. représente le plan & la coupe d'une manotte avec les coins a placés dans leurs tenures, & prêts à être frappés. On met ordinairement dans chaque manotte deux coins, sur lesquels des ouvriers placés, un vis-à-vis de chaque manotte, frappent alternativement, & de maniere cependant que tous les ouvriers frappent toujours ensemble. Quand les coins se trouvent une fois enfoncés jusqu'à la tête, & que la longuesse n'est pas encore détachée, on en insinue de plus épais, & toujours ainsi successivement jusqu'à ce qu'elle ne tienne plus; une longuesse ainsi séparée du reste du banc prend le nom de piece d'en-bas.

Une piece d'en-bas qui a environ quinze pouces d'épaisseur, se divise avec des refendrets D Pl. II. c'est-à-