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il se fait une si grande habitude de rester quand il voit le pain, que de lui-même il s’arrête, sans qu’on crie tout-beau. On fait alors frire dans du saindoux de petits morceaux de pain avec des vuidanges de perdrix, qu’on porte dans un petit sac de toile. On va dans la plaine, dans les chaumes, dans les terres labourées & les pâturages, on met plusieurs petits morceaux de pain frit; & pour en reconnoître la place, on met à côté de petits piquets fendus par le bout, auxquels on attache un petit morceau ou de papier, ou de carte. Quand cela est fait, on détache le chien, & on le mene toujours quêtant dans le vent, c’est-à-dire du côté que le vent souffle. Lorsqu’on remarque qu’il approche du pain, qu’il en a l’odeur, & qu’il va se jetter dessus, on crie tout-beau; s’il ne s’arrête pas, on le châtie. En deux jours il s’arrête de lui-même; alors on porte un fusil chargé d’un demi-coup de poudre, on ne tourne d’abord que peu de tems, & l’on tire au lieu de dire pille. A mesure qu’on continue cet exercice, on tourne plus long-tems, afin d’accoutumer le chien à ne pas s’impatienter, & à rester à son arrêt jusqu’à ce qu’on l’ait servi. Lorsque le chien est accoutumé à souffrir le coup de fusil & à arrêter indifféremment dans l’herbe, dans la terre labourée & dans le chaume, alors on le mene à la perdrix. On en a vu qui ne manquoient pas le premier arrêt, & qui en faisoient même vingt ou trente le premier jour. Il est de la derniere conséquence de tirer à terre devant le chien, & de ne jamais tirer en volant qu’il ne soit parfaitement dressé.

Il n’y a point de chien qui ne pousse quelquefois, sur-tout quand il va avec le vent. Il faut, dans ce cas, se donner bien de garde de le châtier, à moins qu’il ne courre les perdrix. S’il court après, il faut remarquer le lieu d’où elles sont parties, & y aller; le chien ne manque jamais d’y revenir, pour-lors on le châtie avec le fouet; mais cela se doit faire sagement & par degrés, autrement on le rebuteroit, sur-tout le chien timide, qui ne manque pas, quand on le châtie avec trop de violence, de quitter son arrêt, & de venir derriere vous, sans vouloir chasser davantage. Il y en a de rebutés qui ne font que marquer leur arrêt un instant, & passent tout droit. Il est extrèmement difficile de les remettre; il faut donc, si vous leur donnez un coup de fouet sur le corps, en donner deux à terre à côté du chien, le bruit du fouet le corrige suffisamment. On augmente le châtiment à mesure qu’ils sont incorrigibles, & on les remet au pain frit. Quand ils ne mangent que ce pain, il faut leur donner d’autre nourriture; car il faudroit trop de ce pain pour les nourrir. La chose est différente quand on les commence; car on ne leur donne que du simple pain, & on leur en fait garder tant que l’on veut, & même d’assez gros morceaux pour les rassasier.

Il y a des chiens qui quittent le dresseur à la chasse, quand il les châtie; voici un moyen infaillible pour les en corriger. On fait mettre en terre un pieu dans le milieu de la basse-cour, & on y attache une chaîne avec un collier. Lorsque le chien a quitté la chasse & est de retour, un domestique l’attache & lui donne une volée de coups de fouet: un quart-d’heure après, il recommence & lui donne en une heure trois ou quatre corrections pareilles. Il faut que le dresseur ne paroisse point quand on fouette le chien, & qu’il reste encore quelque tems après la derniere correction, afin que la colere du chien soit passée: alors il le vient trouver, le caresse beaucoup, le détache, lui donne quelques friandises, & le remene à la chasse. Il n’y a point de chiens à qui on ne fasse perdre cette habitude par cette pratique redoublée.

Quoiqu’on puisse dresser les chiens en tout tems

quand la plaine est découverte, cependant le plus convenable est quand les perdrix sont couplées; elles tiennent alors davantage, & il est plus aisé de les appercevoir, parce que la terre est plus découverte. On distingue aisément le coq de la poule, en ce que la poule a la tête rase contre terre, & que le coq l’a haute & relevée; ainsi on est sûr de tuer le coq plutôt que la poule: ce qui fait qu’on ne détruit point le gibier d’une terre. Un coq suffit à plusieurs poules, & dans les compagnies il y a toujours plus de coqs; ce qui fait qu’on cherche à les détruire, c’est que plusieurs coqs courent la même poule qui déserte le pays à force d’être tourmentée; & lors de la ponte, elle fait un œuf en un endroit, un œuf en un autre, ainsi de suite; elle n’a jamais de nid, & à la fin il ne lui reste qu’un coq. On les nomme des bréhanes. Si l’on tire en volant dans le commencement de la pariade, le coq part toujours le dernier; au contraire si c’est sur la fin de leurs amours, au mois de Mai, le coq part le premier. Quand on veut faire arrêter deux chiens ensemble & les faire chasser de même, on leur fait arrêter le pain frit séparément, & puis ensemble. On met pour cet effet deux morceaux, & quand il y a un chien arrêté, on appelle l’autre que l’on mene derriere. Si l’un des deux prend les deux morceaux de pain, on en a à la main un troisieme qu’on lui jette. Pour la perdrix, on mene le chien qui n’en a pas de connoissance derriere celui qui est arrêté. Ils s’accoutument si bien à ce manege, que lorsqu’on crie tout-beau, le chien qui n’est point en arrêt vient de lui-même se ranger à côté ou derriere celui qui y est, & même il y vient sans entendre crier tout-beau.

S’il arrive que le chien court le gibier après qu’il a entendu le coup de fusil, voici le moyen de l’en corriger. Il faut lui laisser traîner un long cordeau, & être deux; pendant que l’un tourne, l’autre prend le cordeau, & s’approche du chien de quelques pas. Quand il veut courir les perdrix, il donne dans le collier, & essuie des sacades qui le corrigent en peu de tems. Voilà peut-être le moyen le plus sûr & le moins pénible que l’on ait pû imaginer pour dresser les chiens d’arrêt, & où il faut moins les battre. Rien n’est au-dessus de cette maniere. Il y a d’autres moyens que des gardes-chasse mettent en usage, & où ils sont deux ou trois ans pour faire un chien; mais rarement ils en dressent de bons, encore n’est-ce qu’à force de coups, de jeûnes & de fatigues. Ils méritent bien plus le nom de bourreaux que de dresseurs par de semblables pratiques.

Quand le chien a été mis au commandement, qu’il barre bien dans sa quête & qu’il arrête parfaitement, il faut le faire rapporter par force. On a un collier (fig. 3. du bas de la Planche) où il y a trois rangs de clous qui passent au-travers d’un cuir; la pointe perce le cuir, & passe en-dedans de trois ou quatre lignes de long. On met un autre cuir par-dessus le premier, de même longueur & largeur, & on le coud sur l’autre, afin que la tête des clous qui est prise entre les deux cuirs, ne puisse pas reculer. Il faut que le collier soit juste de la grosseur du col du chien; on y attache deux anneaux de fer, un à chaque bout du collier pour y passer une corde qui se trouve doublée, parce que quand on vient à donner un sacade pour piquer le col du chien, le collier doit se fermer; & en lâchant la main, il doit s’ouvrir. De plus, il faut avoir un morceau de bois de huit à neuf pouces de long qui soit quarré, & de huit à neuf lignes d’épaisseur, fig. 4. On y fait des crans en maniere de scie. On le perce de deux trous en travers à chaque bout, pour y passer quatre petites chevilles en croix, un peu plus grosses qu’une plume à écrire, de sorte qu’en jettant le bâton à